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FRANCE NUCLEAIRE : Le pays où le mensonge est roi
Deuxième épisode : "L’incident" du 22 novembre 2005 à la centrale du Blayais (Braud-Saint Louis)




Publié le 23 décembre 2005

NUCLEAIRE. — Un mois après l’explosion de deux transformateurs à pyralène à la centrale, témoignage de certains des agents qui sont intervenus sur le sinistre.

Une peur rétrospective

Par Marie-Laure Gobin

Journal "Sud Ouest"

Pour les agents EDF qui ont combattu le feu en attendant l’arrivée des pompiers : « nous sommes un chaînon dans l’organisation des secours. Nous ne sommes pas des pompiers, ni professionnels ni volontaires »

Ils dorment mal, certains font même des cauchemars. Un mois après l’explosion et l’incendie de deux transformateurs dans la salle des machines commune aux tranches 3 et 4 à la centrale nucléaire de Braud-et-Saint-Louis, plusieurs des agents, qui sont intervenus sur ce feu avant l’arrivée des pompiers, ont souhaité en témoigner (1). « Ce que nous avons vécu n’est pas anodin. Or la direction a minimisé l’information en interne comme à l’externe. Il n’est pas question d’un départ de feu mais de deux explosions suivies d’un incendie. De quelque chose de grande ampleur. Nous avons utilisé seize ou dix-sept extincteurs de 20 et 50 kgs que des collègues allaient nous chercher au fur et à mesure. Et on en a manqué. A un moment nous n’avions plus rien pour combattre le feu : on était seuls, on se sentait désemparés. On a aussi manqué de bouteilles d’oxygène. »

Les agents poursuivent : « Nous ne sommes pas préparés à ça même si nous participons à des stages de recyclage tous les trois ans et faisons des exercices. Nous sommes censés être un chaînon dans l’organisation des secours. Nous ne sommes pas des pompiers, ni professionnels ni volontaires. Or nous sommes restés seuls durant 47 minutes avec une concomitance de différents risques. C’est considérable. »

De la dioxine dans les suies.

Quand ils soulignent rétrospectivement ces risques, ils évoquent, à quatre mètres au dessus de leurs têtes, « un alternateur rempli d’hydrogène et la proximité d’une caisse à huile de 40 mètres cubes, à 50 ou 60 ø. » Par ailleurs, on le sait aujourd’hui, les résultats d’analyse, désormais connus, confirment la présence de dioxine dans les suies.

A l’heure actuelle une pétition est en cours : « elle nous permettrait de refuser d’intervenir alors que nous y sommes obligés. C’est notre entreprise, on y tient. On est conditionnés pour intervenir sur des départs de feu mais pas sur un incident pareil. Nous sommes allés au-delà de notre mission et on nous en a fait le reproche. Qu’aurions-nous fait si nous avions eu un de nos potes en difficulté ? C’est une question fondamentale. Ce que nous voulons, c’est qu’il y ait des gardes de sapeurs-pompiers sur site, trois au minimum. »

Ils estiment « qu’il y a un fossé entre les informations données par la direction à tous les agents et la réalité des faits. Du coup, certains collègues non impactés par cet incident ne comprennent pas nos réactions. Ils s’interrogent au point que, parfois, nous avons le sentiment de ne pas être crus ».

« On a peur . »

Tous le disent : « on a peur. Du feu, mais aussi des conséquences que pourraient avoir la présence de dioxine dans les suies suite à l’explosion des transformateurs à pyralène. Des conséquences pour nous, mais également pour tous ceux qui passent encore dans cette salle des machines dont certaines parties seulement ont été nettoyées. Même si nous étions équipés d’appareils respiratoires, tous ceux qui sont passés par là ont respiré les fumées, emporté avec eux, sous leurs chaussures de sécurité, des suies. Il reste encore de la suie, un peu partout dans cet immense bâtiment qui fait peut être quarante mètres de haut, sur 200 mètres de long."

« Il faudrait absolument tout nettoyer. Vous savez, la fumée de l’incendie a été vue depuis le Médoc. Les médecins en conférence de presse lors du point fait par la direction affirmaient qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Or, trois semaines après les faits, on nous fait des analyses de sang plus poussées. Et encore, à la demande des agents. Malgré l’obligation qu’a l’employeur de délivrer une fiche d’exposition aux produits chimiques, ce n’est pas encore fait à ce jour. Et ceux qui ont consulté des médecins à l’extérieur n’ont pas pu le faire dans le cadre d’un accident du travail. »

(1) 56 pompiers, une vingtaine de véhicules, venus de huit centres de secours, sont intervenus sur le sinistre. Lire Sud Ouest des 22 et 30 novembre et du 2 décembre.