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Série : "L’histoire ne se répète pas - elle bégaie"
L’Elysée projetterait de vendre à l’Algérie des centrales nucléaires




Publié le 30 mai 2007

L’éditorialiste Richard Arzt a publié le 29/05/2007 sur RTL Podcast un article intitulé "La diplomatie et Sarkozy" où il écrit notamment :

"En politique étrangère, Nicolas Sarkozy est en train d’acquérir une formation pratique accélérée à base de positions aussi personnelles que possible. La priorité, depuis trois semaines qu’il est à l’Elysée, est de faire prendre en compte les nouvelles intentions françaises de réformes des institutions européennes. (...)

"Un autre dossier occupe actuellement l’Elysée : la préparation d’un voyage présidentiel en Algérie. En principe Nicolas Sarkozy devrait commencer par ce pays les visites qu’il fera dans le monde arabe. Les dirigeants marocains ont déjà fait savoir leur étonnement : Jacques Chirac en 1995 avait commencé par venir chez eux. De plus il y est revenu après la fin de son mandat et s’y trouve encore pour quelques jours. Mais le président Sarkozy estime avoir intérêt à entamer son projet d’union euro-méditerranéenne par une meilleure relation avec Alger. Comme ministre de l’Intérieur, il a établi de solides relations avec des responsables algériens bons connaisseurs de la lutte contre le terrorisme islamiste. Par ailleurs, une coopération pourrait se développer dans le domaine de l’énergie. L’Elysée serait notamment favorable à la vente de centrales nucléaires françaises à l’Algérie. Outre l’intérêt commercial qu’elle y trouverait, la France indiquerait de la sorte qu’elle n’a pas d’ostracisme à l’égard de l’installation de nucléaire civil dans un pays musulman. (Nous soulignons.) Deux proches collaborateurs du président Sarkozy vont prochainement se rendre à Alger pour préparer la visite présidentielle et s’assurer que les autorités locales n’en profiteront pas pour remettre en avant leur dénonciation des heures sombres de la colonisation."

L’Algérie a déjà construit un réacteur de recherche nucléaire avec l’aide de l’Argentine. Rappelons que c’est par un réacteur de recherche -plutonigène- du même genre mais vendu par la France à la suite d’un contrat passé en 1975 entre le premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, et le président Saddam Hussein, que ce dernier a commencé à concrétiser ses efforts pour se procurer l’arme atomique. Ce réacteur, baptisé Osirak, a été détruit en juin 1981 par un raid de l’aviation israélienne, mais Saddam Hussein n’en a pas moins repris ses efforts, lesquels n’ont pu être brisés que par la "guerre du Golfe" de 1991.

Rappelons par ailleurs que c’est aussi pour répondre à ses futurs besoins énergétiques que l’Iran déclare vouloir construire des centrales nucléaires et les faire fonctionner en enrichissant lui-même l’uranium dont il dispose dans son sous-sol. La communauté internationale le soupçonne néanmoins de vouloir par ce biais se procurer l’arme atomique, et le directeur de l’AIEA, Mohammed ElBaradei, a lui-même souligné la "dualité" des technologies nucléaires, dont l’usage peut être aussi bien militaire que civil.

Comme l’Irak et l’Iran, l’Algérie a un urgent besoin d’énergie nucléaire, puisque, comme eux, elle manque cruellement de gaz et de pétrole... Mais, mis à part ce triste point commun, tout rapprochement avec ces autres pays musulmans serait parfaitement incongru puisque, comme chacun sait, l’Algérie est à l’abri de toute tentation nationaliste comme de tout risque de dérive islamiste. L’islamisme n’existe pas en Algérie ; si on a cru l’y entrevoir, ce n’était qu’un mauvais rêve. On se demande d’ailleurs pourquoi les responsables algériens sont devenus "bons connaisseurs de la lutte contre le terrorisme islamiste". Mais peu importe : il suffit qu’il le soient désormais pour que la France puisse en toute quiétude leur vendre les technologies, les installations et les matériaux nucléaires qui leur permettront en outre de polluer un peu plus le territoire algérien, qui l’a déjà été par les essais français du Sahara. Il n’y a pas de raison pour que la France soit seule à profiter des bienfaits du nucléaire, ni qu’AREVA se prive d’une telle source de profits.

Pas de raison non plus que l’Algérie, ayant recouvré son indépendance et sa souveraineté, imite l’ancienne puissance coloniale et se croie bêtement tenue, comme elle, de disposer de l’arme nucléaire pour assurer son indépendance, sa souveraineté, sa sécurité - comme on dit à l’Elysée. Les mauvais exemples ne sont tout de même pas faits pour être imités.

Et puis quoi, la France a brillamment géré jusqu’à présent, au sein de la "troïka" européenne, "le dossier du nucléaire iranien" ! La question iranienne étant virtuellement réglée, pourquoi n’en ferait-on pas autant un jour avec "le dossier du nucléaire algérien" si par malheur l’Algérie imitait l’exemple français, ou avec les dossiers des autres pays musulmans qui se bousculent au portillon et auxquels la France pourrait fournir d’autres centrales, à l’instar de l’Algérie ? Non, décidément, il n’y a pas de raison pour que la France soit seule à profiter de l’EPR, ni qu’AREVA se prive d’étendre au marché islamique les bienfaits du nucléaire civil, qui n’a rien à voir, l’expérience le prouve, avec le militaire.

Dormons tranquilles : "En politique étrangère, Nicolas Sarkozy est en train d’acquérir une formation pratique accélérée", très prometteuse. Trop peut-être ?

ACDN