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Fukushima : pire que Tchernobyl

Un million de personnes en zone mortelle, et des réactions de fission sans précédent dans l’unité N° 4


Publié le 15 avril 2011

"Pire que Tchernobyl" : pour Greenpeace, les populations habitant jusqu’à 100km de la centrale sont en danger de mort. Le gouvernement japonais ne communique pas bien les risques réels. Le responsable nucléaire de Greenpeace, le Belge Jan Vande Putte, est inquiet.

RTL Belgique, 13 Avril 2011 20h30

Jan Vande Putte est rentré mardi en Belgique, après avoir passé un mois sur place où il a coordonné les tests de radioactivité de Greenpeace International dans la préfecture de Fukushima. Avec son équipe, il y a mené deux missions de recherche : mesurer la radioactivité aux abords de la centrale... et à un peu moins de 100km du site contaminé. En tout, des mesures ont été effectuées en 261 points en dehors de la zone d’évacuation de la centrale. Résultat : la contamination s’étend bien au-delà du périmètre d’exclusion mis en place par le gouvernement japonais. Partout, le compteur Geiger s’est affolé et les échantillons de terre et de légumes ont indiqué des doses potentiellement mortelles de radioactivité, y compris aussi "loin" de la centrale de Fukushima Daiichi (N°1). Une forte concentration de Césium 137 a par exemple été relevée dans les villes de Fukushima et Koriyama, toutes deux situées à quelque 60 km de la centrale.

Pire encore : "85% de la radiation qu’on mesure aujourd’hui provient des isotopes à long terme", explique le chercheur au micro de Samuel Ledoux dans le journal de 19h. Cela signifie que cette zone restera contaminée pour des dizaines d’années, voire beaucoup plus longtemps. Les défenseurs de l’environnement ont par ailleurs constaté que ces niveaux de radiation se répandaient de manière disparate autour de la centrale. Fixer un périmètre de sécurité circulaire n’a donc pas de sens, selon eux. Le gouvernement japonais a déjà indiqué qu’il tiendra compte de cet aspect.

Que fait le gouvernement ?

Dans ce périmètre mortel vivent encore plus d’un million de personnes. En danger de mort, ils ne savent rien du danger auquel ils sont exposés. "Des gens qui ont des légumes dans leur jardin ne savent pas s’ils peuvent manger ou non leurs légumes. Personne ne leur explique les risques. On a pris des échantillons et on a pu constater des doses de contamination des légumes extrêmement dangereuses", témoigne encore M. Vande Putte. Les chercheurs ont en effet relevé des niveaux de radioactivité supérieurs aux normes dans des légumes cultivés dans des jardins, et dans un échantillon provenant d’un supermarché de la ville de Fukushima. Si ces relevés "sont similaires" aux données communiquées par le gouvernement japonais, "les populations sont mal informées car elles ne connaissent pas la signification des résultats qui sont communiqués par les autorités". A cet effet, une lettre a été adressée par Greenpeace au Premier ministre japonais, comprenant des questions précises sur la publication des données.

Pire que Tchernobyl

Le nombre des personnes menacées est tellement élevé que cela fait dire à notre interlocuteur que cet accident nucléaire est bel et bien comparable à Tchernobyl, voir "pire". Car évacuer plus d’un million de personnes serait un défi pour n’importe quelle société d’aujourd’hui. "Evacuer des millions de personnes, c’est extrêmement compliqué d’un point de vue pratique. Ça veut dire qu’un accident nucléaire de l’envergure de Fukushima, aucune société ne peut s’organiser pour répondre à ça d’une manière pratique." Greenpeace plaide dès lors pour une extension de la zone d’évacuation. A défaut, il y a lieu d’évacuer les petits enfants et les femmes enceintes, et de fermer les écoles, qu’il faut déplacer ailleurs, dans des zones moins contaminées.


Fukushima : NOUVEAU DANGER. Des réactions de fission dans la piscine n°4

par Dominique Leglu, Sciences et Avenir

Attention, danger ! C’est vers la piscine de l’unité n°4 de Fukushima que les regards convergent aujourd’hui avec une nouvelle inquiétude. S’y déroulent des réactions en chaîne dégageant une très forte radioactivité ! Des niveaux “100 000 fois supérieurs à la normale”, selon l’agence de sûreté nucléaire japonaise NISA. C’est ce que l’on peut comprendre après l’annonce postée ce 14 avril sur son site (1) par l’opérateur TEPCO de la centrale de Fukushima. L’opérateur y présente en effet les résultats d’une “analyse de 200 ml d’eau prélevée le 12 avril dans la piscine n°4” (où 195 tonnes d’eau ont été injectées le 12 avril selon l’AIEA (2)). Ces résultats, obtenus le 13 avril et annoncés ce 14 avril montrent que, outre du césium 137 et du césium 134 découverts dans cette eau, de l’iode 131 y a été retrouvé. Or l’iode 131, rappelons-le, a une demi-vie de 8 jours seulement. Autrement dit, si on le retrouve en quantité - ce qui est le cas, 220 000 Bq/litre - cela signifie qu’il a été créé depuis peu de temps (à noter qu’une mesure dans cette même piscine faite le 4 mars, c’est-à-dire avant le démarrage des événements catastrophiques, n’en avait pas détecté). Et s’il a été créé depuis peu de temps, cela signifie que des réactions de fission ont lieu dans le combustible qui est entreposé.

Rappelons que le réacteur n°4 était à l’arrêt avant le séisme puis le tsunami. Tout le combustible usagé du réacteur avait été déposé dans la piscine. Et l’on a appris aujourd’hui (3) qu’outre ce combustible usagé, du combustible “neuf” s’y trouve aussi : “204 barres de combustible non usagé” (outre 1331 barres de combustible usagé). Des niveaux qui pourraient être également dus, a-t-elle estimé, à l’injection dans la piscine d’eau de pluie contenant des quantités de particules émettrices de radioactivité.

Interrogé à ce sujet, l’ingénieur nucléaire américain Arnie Gundersen (que nous avions cité dans le blog du 15 mars (4)), nous a dit voir dans la présence d’iode 131 dans la piscine n°4 une « énorme annonce » (« BIG news »). De même que la présence de combustible neuf, car il peut devenir « critique » (connaître des réactions de fission) « plus facilement que le combustible usagé ». Selon lui, ce pourrait être « la raison pour laquelle cette piscine n’est plus remplie d’eau. Des changements mineurs dans la géométrie des casiers (dans lesquels sont normalement contenues les barres de combustible) pourraient être la cause de la reprise de criticité dans le combustible neuf. Je le sais, car mon groupe de travail a fait des calculs de criticité dans ce type de casiers pendant des années ».

Devant la dangerosité de ces barres de combustible, on se demande bien comment l’opérateur va pouvoir manipuler ce combustible, afin de le confiner et stopper le relargage de radioactivité qui doit avoir lieu en ce moment même. Il a été annoncé « le déploiement d’un petit drone (hélicoptère) pour voir s’il est possible d’extraire ce combustible » (selon TEPCO, ce survol a été effectué ce 14 avril entre 10h17 et 12h25). La tâche est rendue extrêmement difficile vu les niveaux de radioactivité : rayonnements gamma, mais aussi et peut-être surtout bouffées de neutrons extrêmement dangereuses dont il est très difficile de se prémunir (de même qu’il est difficile de mesurer exactement le niveau de rayonnement au moment où il est émis, lors des réactions de fission). Sans oublier le phénomène d’« effet de ciel », déjà cité dans ce blog, sorte de rebond du rayonnement sur les couches atmosphériques qui peut le rabattre vers le sol en des endroits imprévus.

Outre les énormes difficultés d’évacuation de dizaines de milliers de tonnes d’eau radioactive, les travailleurs dans la centrale se retrouvent donc aujourd’hui avec un problème majeur à régler sur l’unité n°4. Sans que l’on connaisse, par ailleurs, jusqu’où peut aller le relargage de produits de fission particulièrement dangereux.

1) http://www.tepco.co.jp/en/press/corp-com/release/betu11_e/images/110414e20.pdf

2) http://www.iaea.org/newscenter/news/tsunamiupdate01.html

3) http://english.kyodonews.jp/news/2011/04/85295.html

4) « Lanceur d’alerte » qui a fondé une entreprise baptisée Fairewinds Associates, et qui a participé en particulier aux enquêtes sur la centrale de Vermont Yankee, de même type que celle de Fukushima (réacteur à eau bouillante construit par General Electric). http://sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr/arc...