Enregistrement
(Durée : 5’30")
Transcription
Philippe Bertrand : Jean-Marie Matagne, bonjour.
Jean-Marie Matagne : Bonjour Philippe.
P.B : Jean-Marie, président d’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, avec une lettre qui nous a touchés. Vous nous l’avez envoyée il y a quelques semaines en disant : "Je suis le président et depuis 1996, cette association me bouffe la vie."
J-M.M : Oui, c’est vrai. C’est vrai, ça me prend énormément de temps, ça a été presque mon deuxième métier pendant que j’enseignais et puis maintenant, c’est mon métier unique, si j’ose dire ; ça me bouffe la vie, oui, on peut dire ça.
P.B : Quand on parle du désarmement nucléaire, on parle du nucléaire militaire et pas du nucléaire civil, pourtant vous militez contre les deux.
J-M.M : Oui, parce que les deux sont liés et les deux sont extrêmement dangereux. Le nucléaire militaire l’a prouvé avec les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ; actuellement, il y a plus de 20 000 têtes nucléaires, chacune, en moyenne, fait dix fois la puissance d’Hiroshima. Donc vous imaginez la puissance destructrice qui est suspendue sur nos têtes, en permanence. Ça c’est le militaire. Et puis le civil, on sait ce que ça a donné avec les catastrophes, notamment, de Tchernobyl et tout récemment de Fukushima, et on voit bien que ce n’est pas une énergie qui est sans danger. C’est extrêmement grave dans tous les cas.
P.B : Jean-Marie, le fait que vous ne soyez pas entendu aujourd’hui et pas reçu comme vous le désiriez par François Hollande - puisque vous avez entamé le jour de son entrée en fonction une grève de la faim pendant quarante-deux jours, vous avez trouvé portes closes du côté de l’Elysée, vous n’étiez pas tout seul, vous étiez soutenu, de toute façon vous êtes soutenu par bon nombre de personnes- est-ce que le fait de ne pas être entendu ne provient pas justement de cet, allez on va dire "amalgame" entre le nucléaire militaire et le nucléaire civil - parce que les deux dossiers sont quand même bien différents ?
J-M.M : Oui, sans aucun doute, et d’ailleurs il y a un général qui est à l’origine de la stratégie française dite "de dissuasion nucléaire", qui a avoué qu’il entretenait les deux aspects du nucléaire, le civil et le militaire, pour protéger le militaire.
P.B : Mais la première nécessité et le premier élément de bataille, pour utiliser un terme qui convient au combat que vous menez depuis 1996, c’est de prolonger ce qui est d’abord un traité, à l’origine, de non prolifération nucléaire, aujourd’hui d’abolition de tout armement nucléaire dans le monde ?
J-M.M : Oui. C’est-à-dire que le traité de non prolifération était fondé sur l’engagement des puissances non nucléaires à ne pas se procurer cette arme, et l’engagement simultané et réciproque des Etats nucléaires d’abolir leurs arsenaux. L’article 6 du TNP (Traité de Non Prolifération) prévoit cette exigence. Or, jamais depuis cette époque, aucune des puissances nucléaires n’a demandé aux autres de se réunir autour d’une table de négociation, pour négocier l’abolition, l’élimination, sous contrôle international strict et efficace, de leurs arsenaux.
P.B : Alors, qu’est ce qui freine, justement, ce processus d’abolition de l’armement nucléaire ?
J-M.M : Je dirais que ce qui freine le plus au niveau des Etats, actuellement, c’est la France qui traîne les pieds tout en disant qu’elle souhaite le désarmement nucléaire, mais elle-même n’a jamais dit une seule fois qu’elle était prête à mettre sur la table l’élimination de sa force de frappe en échange de l’élimination des autres forces nucléaires. Et c’est ça qu’on attend de la France : c’est qu’elle participe à ce processus multilatéral qui normalement devrait être réalisé depuis longtemps.
P.B : Quatre-vingt un pour cent des Français souhaitent le désarmement nucléaire de la France selon un sondage IFOP...
J-M.M : Oui, le désarmement nucléaire de la France avec le désarmement des autres. Pas seulement son désarmement unilatéral, mais l’ensemble de toutes les armes nucléaires. Et c’est parfaitement réalisable. On sait que dans le courant des années quatre-vingt dix, il y avait à peu près 70 000 têtes nucléaires dans le monde et actuellement il n’y en a "plus que" - c’est une façon de parler, mais...- une vingtaine de mille. Mais ça n’empêche pas que ça peut détruire 7 à 10 fois la totalité de l’humanité.
P.B : Une dernière chose que je ne comprends pas, Jean-Marie, c’est cette dichotomie entre la pensée - enfin celle qui relève de l’opinion, si on peut l’appeler pensée : on en a un exemple avec le sondage que j’ai cité - et l’action. A savoir donc : quatre-vingt un pour cent des Français en faveur du désarmement nucléaire et en même temps, je vois quand même un déficit d’adhérents de votre côté, comme si pour passer à l’action et vous suivre, c’était une autre mesure.
J-M.M : Oui, parce que les Français ont un sentiment d’impuissance par rapport à cette question. Ils se disent que c’est une question qui concerne les spécialistes, qu’ils ne sont pas compétents pour en parler, ou bien s’ils pensent que oui, ils savent qu’il y a un barrage tel au niveau des têtes dirigeantes, qu’on n’y arrivera jamais. Mais il y a un certain nombre de responsables politiques qui ont évolué et qui ne sont plus de cet avis, et je pense que la solution, c’est de consulter le peuple français là-dessus, parce que ça nous a coûté déjà plus de 300 milliards d’euros, et en plus il y a l’entretien, les exercices, etc., de ce qui existe. Donc on peut dire qu’il y a entre quatre et cinq milliards par an qui sont consacrés à ça.
P.B : Et pour toute information il y a le site "acdn.net", ACDN, comme Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire. Merci Jean-Marie Matagne, et courage.
J-M.M : Merci Philippe et courage aussi à vous pour votre travail en faveur d’un monde meilleur.
P.B : Merci, à bientôt. Au revoir.
J-M.M : Au revoir.
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Sujet de 2:26 à 3:12 et de 9:00 à 14:43