Saintes, 6 août 2016
Grand beau temps ce samedi à Saintes, tout comme le matin du 6 août 1945 au-dessus d’Hiroshima. Par bonheur pour les Saintais, la suite des événements de la journée n’aura rien de commun.
Au bord de la verte Charente, les touristes comme les habitants sont attirés par les festivités qui débutent : la 2e édition des « Charent’Ô Folies », deux jours de plaisirs partagés autour du fleuve.
En remontant le Cours national, on arrive devant le Palais de Justice, où l’ambiance est différente. Ici les sourires sont empreints de gravité. Devant le monument aux morts, quelques personnes dont le nombre dépasse bientôt la trentaine, s’apprêtent à commémorer un événement tragique : l’effacement atomique d’Hiroshima, il y a 71 ans.
A 11h, la cérémonie commence. Le président d’ACDN excuse tout d’abord les Anciens combattants, qui n’ont pu venir en raison d’un problème de communication mais seront présents à la cérémonie du 9 août.
Guillaume Laporte (17 ans) lit le témoignage poignant de Keiji Nakazawa, qui avait six ans et quatre mois et se rendait à l’école lorsque une bombe à l’uranium surnommée « Little Boy » (P’tit Gars) explosa sur Hiroshima, blessant et tuant la plupart des membres de sa famille et laissant aux autres de terribles séquelles.
Christophe Cougnaud lit le message, traduit de l’anglais, que M. Kazumi Matsui, maire d’Hiroshima, a adressé à ACDN et à la ville de Saintes et qui les invite à continuer d’agir ensemble pour l’abolition des armes nucléaires.
En l’absence de M. le Maire, excusé, Marie-Line Cheminade, 1ère Adjointe, représente la Ville, ainsi que trois autres maires-adjoints. Elle explique pourquoi la Ville a adhéré aux « Maires pour la Paix », au réseau « Abolition 2000 », et participe chaque année aux cérémonies commémoratives des bombardements atomiques de 1945.
Guillaume Laporte rallume la Flamme du Désarmement Nucléaire, allumée pour la première fois à Saintes en 2001, à l’occasion des 1ères Journées du Désarmement Nucléaire. Elle brûlera jusqu’au 9 août.
Une minute de silence est observée, en mémoire des « âmes mortes d’Hiroshima ».
Jean-Marie Matagne lit l’Appel à référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires, auquel 75 parlementaires français ont déjà répondu en signant une Proposition de Loi organisant un référendum sur cette question.
Toutefois, pour devenir effective, cette initiative doit recueillir la signature de 185 députés ou sénateurs (un cinquième du Parlement) puis le soutien d’un dixième des électeurs inscrits. La députée de Saintes (excusée) et celle de Rochefort, ont signé. Le président d’ACDN exhorte toute personne qui le souhaite à inviter les parlementaires de son département -ou d’ailleurs- à signer l’Appel et la Proposition de Loi, en les leur envoyant.
Aline Bocenno lit un poème de Carole Le Kouddar, poétesse saintaise : « Un monde vivable », puis interprète deux chansons de circonstance : « Que sont les fleurs devenues », de Peter Seeger, et « Sur la place », de Jacques Brel.
Avant de se séparer, les participants qui le peuvent se donnent rendez-vous le 9 août devant le monument aux morts. La cérémonie débutera à 10h 45 pour procéder à l’extinction de la Flamme à 11h 02, heure où une bombe au plutonium surnommée « Fat Man » (Gros Mec) a explosé sur Nagasaki. Nous honorerons ses victimes d’une minute de silence, en même temps que celles, plus proches de nous, d’Oradour-sur-Glane : « Hiroshima, Nagasaki, plus jamais ça ! » Ni Guernica, ni Nankin, ni Dresde, ni Oradour. Ni Auschwitz.
Non à tous les massacres et non aux armes qui les préparent en prétendant les éviter.
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Du 6 au 9 août 2016, la Flamme du Désarmement Nucléaire a brûlé sans interruption près du monument aux morts de Saintes, en mémoire des victimes des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, des victimes de toutes les guerres et de tous les massacres, et pour l’abolition des armes nucléaires, armes de crimes contre l’humanité menaçant la vie même sur notre planète.
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Saintes, 9 août 2016
Etranges similitudes - les mêmes que l’an dernier pour le 70e anniversaire des bombardements.
Ce matin, il pleut sur Saintes, couverte de nuages comme l’était l’île de Kyūshū et l’archipel japonais le 9 août 1945 - ce qui valut finalement à Nagasaki de devenir la cible du « Bock’s Car », le B29, et de sa bombe au plutonium, « Fat Man ». (Cf. Pourquoi Nagasaki fut bombardée... / Story of the bombing of Nagasaki)
Peu avant que la cérémonie ne commence, la pluie cesse et le plafond nuageux s’entrouvre au-dessus de Saintes, tout comme celui de Nagasaki il y a 71 ans peu avant que le Bock’s Car, revenant de Kokura encore chargé de Fat Man, ne se débarrasse de sa bombe sur Nagasaki.
Les premiers arrivants répètent avec Alain Lanatrix le chant qu’ils seront invités à reprendre pour conclure la cérémonie.
Parmi eux, Ljo, "citoyen du monde" d’origine japonaise, a fait 250 km depuis le département du Lot-et-Garonne spécialement pour participer à la cérémonie. Il a fabriqué une grue blanche en origami, qu’il dépose sous la Flamme du désarmement nucléaire.
Ljo explique la signification de cette grue. Il raconte l’histoire de Sadako Sasaki, une fillette d’Hiroshima qui avait deux ans et demi et se trouvait à deux km du point zéro lorsque la bombe explosa. Contrairement à ses proches, elle parut en sortir indemne. Ecolière, elle devint une jeune et brillante sportive. Mais en 1954, sans aucun signe avant-coureur, elle tomba brutalement malade de leucémie et dut être hospitalisée. Pour guérir, en plus des médicaments qu’elle prenait, elle suivit la suggestion d’une amie et commença à fabriquer des grues avec tous les papiers qu’elle pouvait trouver. Une légende japonaise veut en effet que quiconque plie mille grues (l’équivalent de nos cocottes en papier) voit l’un de ses voeux exaucé. Au bout de 500 grues, elle connut une brève rémission, mais mourut en octobre 1955 sans avoir atteint le millier. Ses amis et camarades de classe achevèrent son projet après sa mort. Ils continuèrent à plier des grues et collectèrent de l’argent pour dresser à sa mémoire une statue, aujourd’hui visible dans le Parc de la Paix d’Hiroshima avec cette inscription : "Ceci est notre cri. Ceci est notre prière. Pour construire la Paix dans le monde."
Depuis, des millions de grues en origami ont été pliées par des enfants ou des adultes du monde entier, comme symbole de la paix et du désarmement nucléaire. Jean-Marie Matagne raconte comment, lors des rassemblements internationaux dédiés à cet objectif tels que les conférences d’examen du Traité de Non-Prolifération qui ont lieu tous les cinq ans à New York, les très nombreux participants japonais, dont des hibakusha, apportent des milliers de grues, mais aussi des millions de signatures au bas des pétitions qui circulent au Japon.
Marie-Line Cheminade, 1ère adjointe au maire de Saintes, lit alors le message de M. Tomihisa Taue, maire de Nagasaki. Comme M. Kazumi Matsui, maire d’Hiroshima, il rappelle que l’abolition des armes nucléaires est notre but ultime, et que cela implique de créer un instrument juridique contraignant d’interdiction de ces armes, dont la négociation doit débuter sans délai. Il souligne que l’actualité offre une occasion exceptionnelle qui doit être saisie, notamment au sein de l’ONU via le groupe de travail (OEWG) de Genève et l’Assemblée générale de l’ONU à l’automne prochain. En agissant de concert, les villes, les ONG et les citoyens peuvent jouer un rôle essentiel pour orienter en ce sens les décisions politiques.
Georges Mounier, représentant plusieurs associations saintaises d’Anciens combattants, excuse ses camarades absents et souligne qu’aucun ancien combattant, pour en avoir subi les affres, ne souhaite la guerre. Le désarmement, notamment nucléaire, et la coopération entre les peuples et les individus plutôt que la méfiance et la menace, sont les meilleurs moyens d’éviter celle-ci.
Benoît Biteau, Conseiller régional de la Région "Nouvelle Aquitaine", rappelle que les grandes firmes ayant pris part à l’effort de guerre américain et à la création de la bombe atomique ont continué à en tirer profit après la 2ème guerre mondiale. Certaines d’entre elles, en particulier les entreprises chimiques, se sont aussi investies dans la production de pesticides et autres produits chimiques utilisés comme armes de guerre - par exemple l’agent Orange dans la guerre du Vietnam qui continue à faire de nombreuses victimes dans les nouvelles générations - mais qui servent aussi à livrer à l’humanité une véritable guerre agro-alimentaire.
Il est 11h 02. La Flamme du désarmement nucléaire est éteinte, provisoirement, par la représentante de la Ligue des Droits de l’Homme. Une minute de silence est observée par l’assemblée en mémoire des victimes de "Fat Man".
La bombe fit près de 75000 morts immédiatement ou avant la fin de l’année 1945 et à peu près autant de blessés.
Les participants écoutent le terrible témoignage d’un survivant de la bombe, avant de se tourner vers l’avenir et de finir sur une note d’optimisme. Accompagnés à la guitare, ils chantent "Imagine" de John Lennon, le texte anglais sous les yeux et l’espérance au coeur.
25 personnes ont pris part à la cérémonie du 9 août à Saintes. C’est peu, sans doute. Mais elles indiquent la voie de l’avenir.
75 parlementaires français, élus dans près de cinquante départements, ont d’ores et déjà signé une proposition de loi organisant un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires, abolition et référendum que 3 Français sur 4 réclament de leurs voeux. Laissez donc parler le bon sens populaire, donnez la parole aux peuples, ils imposeront leur sagesse aux Etats et nous débarrasseront du fléau nucléaire.
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Messages des maires d’Hiroshima et de Nagasaki