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La France, sa Bombe, le monde et nous
Lettre ouverte à Madame de Sarnez
Présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale


Publié le 12 octobre 2018

Saintes, le 12 octobre 2018

Madame la Députée,
Madame la Présidente,

Le 8 octobre 2018, vous étiez invitée sur La Chaîne Parlementaire, à l’émission « Droit de suite » intitulée : « La France : une voix qui porte ? ».

Au cours de cette émission, vous avez évoqué la perception que les étrangers ont selon vous de la France comme porteuse des valeurs « Liberté, Egalité, Fraternité ». Peu après, vous avez ajouté qu’elle était aussi perçue comme « puissance nucléaire », ce que vous sembliez considérer comme un élément de prestige supplémentaire porté à son crédit.

Permettez-moi de vous dire que ces deux perceptions sont contradictoires et s’entrechoquent dans l’esprit des étrangers comme dans la réalité. Comment peut-on à la fois proclamer son attachement à la liberté, l’égalité, la fraternité et se déclarer prêt à massacrer des milliers ou des millions de personnes (tout en se réservant le privilège de ce « droit » exorbitant) ? Il y a une contradiction absolue entre ces deux attitudes. Les étrangers ne sont pas dupes d’un tel double langage, comme j’ai pu le constater depuis près de vingt ans que je fréquente les ONG et les diplomates de l’ONU oeuvrant au désarmement nucléaire. Ils évoquent avec affliction, amertume ou sarcasme, l’attitude « des Français » -c’est-à-dire des diplomates français- en la matière. Ils savent bien que la France est à la pointe du combat non pas pour, mais contre le désarmement nucléaire.

La France a beau, dans ses discours et ses brochures, se poser en modèle de puissance désarmante, les « gestes » qu’elle invoque comme preuves de cette volonté ont tous été motivés par des considérations de pure opportunité technique, politique ou financière.

Ainsi, l’envoi à la casse des missiles Pluton puis Hadès résulte du fait que ces missiles étaient politiquement inutilisables. En raison de leur portée limitée, ils tombaient tous nécessairement sur le territoire ouest ou est-allemand - perspective qui révulsait nos alliés de RFA. Inutilisables, ils l’étaient aussi militairement. Car leur emploi en cas d’attaque soviétique n’aurait eu d’autre effet que d’attirer sur la France une réplique atomique d’un niveau au moins égal et vraisemblablement supérieur, comme l’état-major des « Bleus » le réalisa au cours des manœuvres que le président Giscard d’Estaing fit tenir en mai 1980, en zone allemande d’occupation française. En clair, ces missiles ne servaient à rien, sauf à plaire un peu aux « biffins », beaucoup au lobby militaro-industriel, et à nous brouiller avec nos amis allemands. Les déclarer « préstratégiques » plutôt que « tactiques » n’y changea rien. On dut s’en séparer.

De même, la fermeture du plateau d’Albion et le démantèlement des missiles « stratégiques » qu’il abritait résultent du fait que ces missiles, qui nous ont coûté horriblement cher, étaient voués dès l’origine à l’obsolescence et à la destruction : il fallut bientôt « durcir » leurs têtes, mais surtout, dûment localisé, leur site aurait certainement fait, en cas de conflit réel, l’objet de frappes préemptives les empêchant de sortir de leurs silos ou perturbant leur programmation par l’effet électromagnétique ; de sorte qu’on cessa leur production après 18 unités au lieu des 27 programmées, pour finir par les envoyer tous à la casse et renoncer définitivement à la « composante terrestre », tant « stratégique » que « tactique » ou « préstratégique », de notre « force de frappe ».

De même, la fermeture du Centre d’Expérimentation du Pacifique résulte du fait que le CEP, terriblement onéreux, ne servait plus à rien après la mise au point du programme de simulation. C’est l’argument invoqué par Jacques Chirac pour justifier à la fois la reprise des essais après le moratoire prononcé par François Mitterrand sous la pression internationale, et leur interruption après une dernière salve, d’ailleurs écourtée, suite au tollé et à la même pression internationale. De 10 à l’origine, puis 8, ces essais tous jugés « indispensables » s’arrêtèrent à six. Mais après cela, la France pouvait se permettre de signer et de prôner le Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (TICE, TICEN ou CTBT), destiné à interdire aux autres ce dont elle n’avait plus besoin.

De même, la fermeture des installations de production de matériaux fissiles à usage militaire s’explique par le fait que la France en a bien plus qu’il ne lui en faut et dispose d’assez de plutonium pour fabriquer encore plusieurs milliers de bombes. D’où également son insistance vertueuse à soutenir le projet de traité « cut off » sur les matières fissiles, qui interdirait aux autres pays de se procurer ce dont elle-même est déjà abondamment pourvue.

Ces « gestes », et tous les autres sans exception, comme la réduction du nombre de "têtes nucléaires", n’ont jamais été qu’un moyen de « faire de nécessité vertu », sans jamais renoncer à l’essentiel : notre capacité mortifère, supposée dissuasive, et conçue pour durer ad libitum. Nous sommes au demeurant pétris de convivialité, comme en témoigne notre règle fameuse de « stricte suffisance » : nous nous contenterons de pouvoir faire un petit milliard de morts, preuve s’il en est de nos sentiments fraternels.

Parallèlement à tous ces faux-semblants, la France n’a cessé de renvoyer aux calendes grecques l’application de l’article 6 du TNP, ce traité entré en vigueur en 1970 auquel elle a fini par adhérer en 1992, et cet article par lequel elle s’est engagée à négocier l’élimination de tous les arsenaux nucléaires, le sien compris.

C’est elle par exemple qui, dès la prise de pouvoir de M. Hollande, a soutenu le refus des Etats-Unis de retirer leurs bombes stationnées dans quatre pays de l’Union Européenne ; elle qui a signé avec le Royaume-Uni, sous M. Sarkozy, le traité de Londres dit « Teutatès », prévoyant 50 ans de coopération nucléaire franco-britannique pour l’entretien et le renouvellement de nos arsenaux respectifs ; elle qui a battu le rappel de ses alliés anglo-américains et de ses « clients » francophones, pour boycotter la négociation à l’ONU du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires ; elle enfin qui, le 7 juillet 2017, le jour même où 122 Etats non dotés d’armes nucléaires votaient pour ce traité, incita les Etats-Unis et le Royaume Uni à publier un communiqué commun déclarant que ces trois Etats ne le signeraient jamais.

Si la France avait au contraire pris part aux négociations du TIAN et encouragé les autres Etats nucléaires à en faire autant – la Chine, l’Inde, le Pakistan, avaient donné des signes d’ouverture en s’abstenant sur la résolution L41 qui décidait de ces négociations ; la Corée du Nord avait même voté pour !- ce traité aurait pu déboucher sur un processus d’élimination concertée et contrôlée des armes nucléaires, au lieu de ne proposer aux Etats dotés d’autre perspective que celle d’un désarmement unilatéral, bien difficile à accepter par eux. C’est la raison pour laquelle la France s’est si vigoureusement opposée aux négociations et à leur résultat : elle ne veut en aucun cas se priver de son fétiche atomique, même dans le cadre d’un désarmement multilatéral, universel, intégral et contrôlé !

« Liberté, égalité, fraternité », dites-vous ? On aimerait bien. Mais quelle duplicité dans la « posture » française !

Nos concitoyens, pas plus que les ressortissants étrangers, ne sont dupes du double langage de nos dirigeants, comme le prouve l’enquête conduite à la demande d’ACDN par l’IFOP en mai 2018 (Cf. P.J.). A 85 %, les Français veulent mettre un terme à cette politique qui fait d’eux les complices et les victimes potentielles de crimes contre l’humanité. Et ils veulent pouvoir le dire par référendum, car ils n’ont jamais été consultés à ce sujet.

La France conforterait grandement son image vacillante de « patrie des droits de l’Homme » si elle conformait sa politique extérieure et de défense aux valeurs qu’elle proclame. Au lieu de le contrer par tous les moyens, elle devrait prendre la tête d’un processus d’abolition des armes nucléaires et radioactives. C’est son devoir, son obligation juridique, et c’est ce que les étrangers les mieux disposés à son égard attendent d’elle.

Si vous en doutez, permettez-moi de vous renvoyer au site d’ACDN (www.acdn.net) et à un article écrit en 2013 par Peter Low, professeur de français à l’Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande), grand ami de la France, fin connaisseur de notre langue et de notre culture : La France comme obstacle à l’abolition des armes nucléaires. L’essentiel, hélas toujours d’actualité, y était dit en conclusion :

« Un gouvernement français cherchant des applaudissements de l’étranger devrait renoncer à certains projets actuels (développement de sous-marins, de missiles, de têtes nucléaires...), mais il devrait surtout exercer son influence sur les gouvernements US, britannique, russe et chinois pour mettre en place de vraies négociations pour un vrai désarmement nucléaire multilatéral - conformément à ses obligations sous le TNP, dont le texte a été approuvé par presque toutes les nations de l’ONU. Nous attendons cela depuis plus de 40 ans ! Les Français devraient pousser leur gouvernement à s’y engager, par exemple au moyen d’un référendum comme celui proposé par ACDN, que pour ma part j’approuve et que j’ai soutenu en écrivant au président de la République Française. »

Madame la Députée,
Madame la Présidente,

Selon un proverbe français, « il n’est jamais trop tard pour bien faire ». C’est souvent vrai, mais pas toujours : une fois survenue la catastrophe, il n’est plus temps de prendre les mesures qui auraient permis de l’éviter. Par une série de chances inouïes, comme en octobre 1962 pendant la crise des missiles de Cuba ou à Moscou dans la nuit du 26 septembre 1983, nous avons jusqu’à présent échappé miraculeusement à la catastrophe atomique. Mais les miracles ne sont pas garantis ad vitam aeternam.

Le 25 septembre 1961, un an avant la crise de Cuba qui faillit précipiter le monde dans une guerre nucléaire -la véritable « der des ders », qui est encore devant nous-, le président John F. Kennedy déclarait devant l’Assemblée générale de l’ONU : "Aujourd’hui, chaque habitant de cette planète doit envisager le jour où elle cessera d’être habitable. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant vit sous une épée de Damoclès nucléaire suspendue à un fil qui peut être coupé à tout moment par accident, erreur de calcul ou geste de folie. Ces armes de guerre doivent être abolies avant qu’elles ne nous abolissent." 57 ans plus tard, nous en sommes exactement au même point, à ceci près que l’équilibre du monde est encore plus instable aujourd’hui que du temps de la guerre froide. D’après les savants atomistes, depuis janvier 2018 nous ne sommes plus qu’à deux minutes de l’Apocalypse. Bien plus près que nous n’en étions à la fin des années 1980.

Il faut dire qu’en janvier 1986, Mikhaïl Gorbatchev lança le mot d’ordre : « Plus aucune arme nucléaire d’ici l’an 2000 ! ». Il n’eut malheureusement pas le temps de le réaliser, mais il put tout de même signer avec Ronald Reagan, en décembre 1987, le traité de Washington sur l’élimination des Forces Nucléaires Intermédiaires, qui libéra l’Europe des SS20 et des Pershing2 et qui, dans la foulée, aboutit deux ans plus tard à la chute du mur de Berlin. Pas moins ! Car, en plus de ses bienfaits directs, le désarmement nucléaire, avec sa règle de prudence : « Fais confiance et vérifie ! » a une vertu fondamentale : il transforme les « ennemis mortels » en « partenaires » prêts à coopérer et même obligés de le faire. Il nous fait passer d’une ère de rivalité, de défiance, de peur et de menaces existentielles à une ère de coopération, de confiance, de paix et de solidarité, permettant de relever les défis auxquels l’humanité toute entière se trouve confrontée. Il change l’air du temps.

Ainsi, il est urgent d’écouter les avertissements de ces deux grands hommes d’Etat, ces acteurs lucides que furent, en tout cas sur ce point, John F. Kennedy et Mikhaïl Gorbatchev.

C’est ce que nous vous suggérons, Madame, ainsi qu’à tous vos collègues du Parlement.

Fondée sur la menace d’exterminer des populations entières, la politique nucléaire de la France bafoue les droits de l’Homme, le droit international, les engagements de la France, la Constitution française, et le simple bon sens car il est illogique de défendre les valeurs républicaines, dont la fraternité, en menaçant de commettre des massacres ; illogique de lier les "intérêts vitaux" de la France à l’emploi d’armes fatalement suicidaires contre un pays qui en aurait aussi ; illogique de prétendre garantir sa sécurité par ces armes, tout en les interdisant aux autres ; illogique d’encourager ainsi leur prolifération, tout en prétendant la combattre ; illogique de vouloir faire des économies et de gaspiller des milliards dans des engins de mort inutilisables contre d’autres Etats nucléaires, incapables de dissuader des terroristes, et tout juste susceptibles de tomber entre leurs mains.

Cette politique est enfin contraire à la démocratie, car le peuple français n’a jamais eu son mot à dire et l’on sait par un récent sondage que plus de quatre Français sur cinq répondraient OUI à la question : « Voulez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, et engage avec l’ensemble des Etats concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »

Vous pouvez, Madame, en tant que citoyenne, signer et soutenir l’Appel à référendum ci-joint, auquel j’emprunte mes dernières remarques.

Vous pouvez, en tant que Députée, signer avec nombre de vos collègues la Proposition Parlementaire de Loi visant à organiser un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, que nous vous soumettons.

Vous pouvez sans doute aussi, comme Présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, encourager la réflexion de la Commission sur cet aspect fondamental des relations internationales. La France, nous semble-t-il, ne s’en porterait que mieux, le monde aussi.

C’est ce qui motivait ma missive, dont je vous prie d’excuser la longueur. Il fallait bien cela pour rétablir les faits.

Respectueusement et civiquement vôtre.

Jean-Marie Matagne
Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
Docteur en Philosophie

Pièce Jointe :

***
LE SONDAGE IFOP-ACDN

PDF - 518.5 ko

***

DOCUMENTS DE CAMPAGNE :
à reproduire ou à demander à contact@acdn.net

Appel à référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives

Word - 41.9 ko

Voir : 85% des Français veulent abolir les armes nucléaires et radioactives


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