Objet : Votre position sur le désarmement nucléaire
PJ : Proposition de Loi visant à organiser un référendum sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives
Le 17/12/2024
Monsieur le Premier ministre,
Permettez-moi, pour commencer, de vous souhaiter bon courage pour la lourde charge qui vient de vous être confiée, puis de revenir sur un aspect important de cette tâche, lequel, contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire, ne relève pas du "domaine réservé" présidentiel, mais bien directement du peuple souverain, puisqu’il s’agit d’une "question terrible" : sa survie et celle de l’humanité. Vous vous êtes déjà prononcé sur le sujet il y a près de vingt ans, et je souhaite remettre vos propos en mémoire de nos contemporains, en particulier des commentateurs politiques ou pour le moins de ceux d’entre eux qui ne s’estimeraient pas tenus de perpétuer l’omerta nucléaire.
Le 21 octobre 2006, interrogé par Nicolas Voisin pour « Politic’Show », vous aviez exposé votre vision de la dissuasion nucléaire dans l’équilibre international. Bien que vous n’ayez pas, à l’époque, répondu à la lettre que cette interview m’avait inspirée et que je vous avais adressée le 12 mars 2007, parallèlement aux courriers adressés aux candidats à l’élection présidentielle, je ne doute pas que vous pensiez sincèrement ce que vous disiez alors.
Je veux croire que vous n’avez pas changé d’avis dix-huit ans plus tard, tant votre réflexion me paraissait frappée au coin du bon sens et me paraît devenue encore plus pertinente à la lumière des événements qui ont bouleversé le monde depuis lors.
Vous disiez donc -sauf erreur, je vous cite in extenso- :
« Ce qui se joue, dans les jours où nous sommes, est une question terrible pour l’humanité : si on accepte la prolifération nucléaire, un jour un fou s’en servira. La question est celle des détenteurs des armes, de leur caractère stable ou instable. Le droit d’ingérence se lit à l’aune de cette stabilité ou instabilité.
« Déjà, ce n’est pas rassurant que cinq, six grands États aient l’arme nucléaire. On voit ce qui se passe en Iran : ce sont des technologies à la portée d’un appareil scientifique convenable. Il y a des risques de fuite.
« Ces États qui ont l’arme nucléaire considèrent comme légitime qu’ils la détiennent, et que les autres ne la détiennent pas ; tandis que l’Iran ou la Corée du Nord disent ‘‘et pourquoi pas nous ?’’.
« Une politique rationnelle et juste serait de discuter d’un plan de désarmement nucléaire de long terme. Il permettrait de répondre, à tous les pays qui veulent la prolifération nucléaire, que nous allons - à pas programmés - vers un monde dans lequel cette arme serait bannie.
« La dissuasion a changé de visage. Il est donc nécessaire que nous reformulions notre doctrine en matière nucléaire.
« Les intérêts vitaux de la France ne sont pas définis uniquement par les frontières hexagonales ou même l’Outremer. L’intérêt vital de nos alliés les plus proches est une part de notre intérêt vital.
« Mais le caractère dissuasif de l’arme atomique vient de ce qu’elle est une arme de dernier recours : ce n’est pas une arme de maintien de l’ordre international, ou de lutte contre le terrorisme international. »
Comment ne pas souscrire à de tels propos ? L’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN) défend ces idées depuis près de 30 ans et moi-même depuis que j’ai entendu Mikhaïl Gorbatchev lancer en janvier 1986 : « Plus aucune arme nucléaire d’ici l’an 2000 ! ». Il a ensuite agi avec constance dans cette direction, avec pour conséquences : le retrait de l’Armée rouge d’Afghanistan, le règlement de la crise des euromissiles et le traité de Washington sur l’élimination des FNI fin 1987, la chute du mur de Berlin à peine deux ans plus tard, la réunification de l’Allemagne, la décongélation de l’Europe, la fin de la Guerre froide… Tout cela sans un mort, sans un seul coup de feu, entre deux "blocs" qui pendant des décennies s’étaient préparés à s’entretuer...
Le désarmement nucléaire a donc eu des effets bénéfiques considérables, immenses même. A l’inverse, son blocage actuel est en relation directe avec le regain de tensions, les guerres - conduites notamment, en Europe et au Moyen-Orient, par deux puissances nucléaires- le surarmement à un niveau jamais atteint.
Le fait que les États dotés d’armes nucléaires parties au TNP, dont la France, continuent à bafouer son article VI, a un effet profondément délétère sur le contexte international. Ils donnent l’exemple exécrable de puissances qui s’exonèrent de leurs obligations selon le droit international, sapent ce dernier, imposent à leur profit un double standard, et par leur prolifération verticale encouragent la prolifération horizontale.
Moyennant quoi nous sommes depuis bientôt trois ans, selon le Bulletin des savants atomistes, à 90 secondes de l’apocalypse.
Il est temps, comme vous le disiez déjà en 2006, Monsieur le Premier ministre, « que nous reformulions notre doctrine en matière nucléaire », temps de « discuter d’un plan de désarmement nucléaire de long terme (qui) permettrait de répondre, à tous les pays qui veulent la prolifération nucléaire, que nous allons - à pas programmés - vers un monde dans lequel cette arme serait bannie. »
Permettez-nous donc de vous poser la question que nous voudrions voir poser à tous les Français :
« Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »
Sachant qu’au moins sept Français sur dix la souhaitent et la réclament, allez-vous profiter des pouvoirs qui vous sont conférés pour mettre en oeuvre, avec vos ministres des Armées et des Affaires étrangères, cette "politique rationnelle et juste" ?
Nous l’espérons et, dans l’attente d’une réponse, vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération.
Pour ACDN
Jean-Marie Matagne, Président
contact@acdn.net
Proposition de Loi référendaire