1 - L’incident du Tricastin diffère de celui survenu le 19 août 1998 à Nogent-sur-Seine en ce sens que le combustible du réacteur du Tricastin doit être du combustible moxé à 30%. C’est-à-dire que 30% du combustible n’est pas uniquement de l’oxyde d’uranium UO2 à Uranium enrichi, mais renferme un mixte d’oxyde de plutonium PuO2 et d’oxyde d’uranium appauvri UO2. Ne pas dire qu’il y a du plutonium est de la désinformation.
Question : Quelle est donc la composition des deux assemblages accrochés aux structures internes du coeur ?
2- Les assemblages "accrochés" sont-ils partiellement (ou complètement) sortis du coeur et de combien de mètres ? Des photos ont sûrement été prises. A Nogent, on voyait clairement l’inclinaison des assemblages par rapport à l’axe vertical. Les assemblages sont-ils restés dans l’axe, ce qui pourrait conforter l’hypothèse d’une déformation des assemblages, sont-ils légèrement inclinés, ce qui pourrait être dû à la détérioration des pions de centrage comme à Nogent (mais même dans ce cas, le gonflement des gaines peut jouer) ?
Question : Peut-on imaginer, comme dans le cas de l’incident de Nogent-sur-Seine (voir ci-dessous), que ces anomalies auraient pu empêcher la chute rapide (et provoquée) des "barres de contrôle", chute destinée à l’arrêt d’urgence de la réaction en chaîne, en cas d’emballement pouvant conduire à la fusion du coeur du réacteur, c’est-à-dire à "l’accident majeur" ?
3- L’incident survenu au démarrage de Dampierre, un 900 MW moxé, le 2 avril 2001 lors du rechargement a montré qu’il fallait que la position de chaque assemblage soit bien définie "de manière à homogénéiser la distribution de puissance du coeur du réacteur". Au cours du chargement on s’est aperçu au bout du 135ème assemblage que 113 d’entre eux avaient été décalés d’une place. Les calculs de configuration ont montré que d’autres configurations plus pénalisantes pourraient provoquer un début de réaction nucléaire dans la cuve du réacteur (voir les commentaires sur cet incident grave dans la Lettre de Stop Nogent et dans la Gazette Nucléaire ou sur Infonucleaire). Là non plus il n’a pas été question de plutonium dans les communiqués et c’est pourtant bien le Pu qui a justifié tous ces calculs.
Question : Le déchargement doit certainement aussi se faire d’une façon très programmée. Qu’en est-il de la stabilité neutronique du coeur du réacteur de Tricastin actuellement ?
4- Cela pourrait être plus grave que le seul relâchement des produits de fission et d’activation dans le circuit primaire...
Question : Qu’en serait-il de la stabilité neutronique du coeur si les deux assemblages se rompaient avec pour résultat des morceaux dans la cuve et un risque de détérioration des autres assemblages ?
Questions inspirées par des échanges avec Bella Belbéoch. Voir ci-dessous son article à propos de l’incident de Nogent-sur-Seine.
ACDN, le 12 septembre 2008
Post-Scriptum le 26 septembre :
Question additionnelle : Plutôt que d’utiliser les profits accumulés sur le dos de ses clients pour racheter British Energy et ses centrales nucléaires en fin de vie, EDF ne ferait-elle pas mieux de garantir la maintenance et la sécurité de ses propres centrales, et de préparer leur remplacement par des sources d’énergie renouvelables, saines et non dangereuses ?
Que s’est-il passé le 8 septembre dernier ?
Tricastin : vers une évacuation des populations ?
Par Olivier Cabanel
La centrale nucléaire du Tricastin, célèbre pour ses accidents, habilement présentés en incidents, est confrontée à un problème technique qu’elle essaye en vain de résoudre depuis quinze jours, sans solution pour l’instant.
Ce n’est plus une fiction, et cela ne se passe pas à Tchernobyl, mais en France, en Rhône-Alpes.
L’inimaginable va peut-être se produire : devant les difficultés rencontrées pour résoudre un problème technique dans la centrale du Tricastin, les autorités seraient en train d’envisager l’éventualité d’une évacuation temporaire.
Pour les habitants du secteur, déjà rudement secoués par les épisodes de cet été, ou on leur a appris bien trop tard que l’eau qu’ils buvaient était contaminée depuis longtemps, ce nouvel épisode ne tient plus de la farce,
mais du drame.
Que s’est-il passé le 8 septembre dernier ?
Lors d’une opération de renouvellement de combustible, lorsque le couvercle de la cuve du réacteur n° 2 a été soulevée, deux assemblages de combustible sont restés accrochés aux structures internes supérieures, et depuis quinze jours sont suspendus au-dessus des 155 autres assemblages qui constituent le cœur du réacteur. Ces assemblages pèsent chacun environ 800 kg, et menacent à tout instant de tomber. Ils pourraient alors se briser,
et les morceaux, s’ils se glissaient entre les autres assemblages, pourraient déclencher éventuellement une réaction nucléaire incontrôlée.
Un épouvantable accident nucléaire serait alors possible. Et même si cette réaction nucléaire ne se déclenchait pas, les opérations de nettoyage seraient quasi impossibles à réaliser. A moins de trouver des inconscients prêts à risquer à coup sûr leur vie pour tenter de sauver la situation.
Mais, depuis Tchernobyl, on connaît mieux les conséquences d’actes aussi téméraires. A ce moment, le réacteur pourrait être définitivement condamné, en attendant que les générations futures trouvent une solution.
Ce scénario catastrophe est réellement possible. Un accident du même type s’était produit, en 1999, à la centrale de Nogent-sur-Seine, à la différence qu’un seul assemblage était en cause. Et il avait fallu un mois
pour résoudre la situation. La situation du Tricastin est hautement plus dangereuse : il y a deux éléments en cause. En tentant de récupérer un seul des éléments, on peut provoquer la chute du second. Cerise sur le gâteau,
EDF reste muette sur la composition de ces éléments, et il est possible qu’ils soient « moxés », c’est-à-dire contenant du plutonium, ce qui aggraverait considérablement les risques pour les populations.
Le réseau « Sortir du nucléaire » vient d’écrire ce jour à l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), ainsi qu’au président de la République et au Premier ministre pour demander la vérité sur l’accident en cours. Selon certaines informations émanant de milieux autorisés, la situation serait si problématique que l’évacuation des villages environnants est sérieusement envisagée. Après les accidents de cet été, les difficultés financières et
techniques rencontrées pour les deux EPR en cours de construction, et la lutte armée ouverte au Niger entre le pouvoir en place et 3 000 Touaregs bien armés, qui contestent l’extraction de minerai d’uranium sur leur
territoire, on voit qu’Areva et le gouvernement français sont dans une posture plus que délicate. Car comme disait un vieil ami africain : « on apprend l’utilité de ses fesses lorsque vient le moment de s’asseoir ».
Olivier Cabanel, le 22 septembre 2008