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Election présidentielle
Désarmement nucléaire et référendum : les positions des candidats




Publié le 13 avril 2007

L’article 6 du Traité de Non Prolifération (TNP) signé par tous les Etats excepté Israël, l’Inde et le Pakistan, et ratifié par la France, prévoit l’interdiction de toutes les armes nucléaires et l’ouverture de négociations afin d’éliminer celles qui existent, sous un contrôle international strict et efficace. ACDN a donc posé aux candidats à l’élection présidentielle deux questions :

- 1. Voulez-vous que la France demande à tous les Etats nucléaires, signataires ou non du TNP, de négocier, adopter et mettre en œuvre au plus tard en 2010 un calendrier d’élimination de leurs arsenaux nucléaires sous un contrôle international strict et efficace, qu’elle suspende jusqu’en 2010 inclus ses programmes de nouveaux armements nucléaires et affecte leur budget à la satisfaction de besoins sociaux, sanitaires, culturels, éducatifs, environnementaux ou humanitaires ?

- 2. Vous engagez-vous, si vous êtes élu(e) à la présidence de la République, à organiser un référendum sur la question 1 dans un délai d’un an à compter de votre élection ?

Quatre candidats n’ayant pas obtenu officiellement les parrainages nécessaires ont répondu oui à ces deux questions et signé en outre le Pacte Pacifique, qui a reçu le soutien du maire d’Hiroshima.

Parmi eux, Alain Ducq (Parti Humaniste) a demandé le 21 mars au Conseil Constitutionnel d’invalider les candidatures de Mme Royal et de MM. Sarkozy et Le Pen, vu qu’ils s’étaient ouvertement engagés à ne pas appliquer l’article VI du TNP, donc à bafouer l’article V de la Constitution qui fait du président de la République le garant du respect des traités. De son côté, Jean-Marc Governatori (la France En Action), convaincu d’avoir obtenu plus de 500 parrainages, a renoncé à tout recours après avoir reçu des menaces de mort se référant à la conversation téléphonique où il l’avait envisagé. La FEA présentera néanmoins des candidats aux législatives. Le Conseil n’a pas examiné le recours d’Alain Ducq, bien qu’il ait examiné en 2002 celui introduit pour des motifs voisins par Jean-Marie Matagne, le président d’ACDN alors candidat, contre MM Chirac et Jospin.

En sus de divers courriers adressés en phase préliminaire de la campagne, chacun des douze candidats retenus par le Conseil Constitutionnel a été saisi des questions d’ACDN par courrier recommandé avec accusé de réception, adressé à son QG de campagne. A ce jour, neuf d’entre eux n’ont pas répondu.

Nicolas Sarkozy a répondu en justifiant la dissuasion et les programmes d’armements nucléaires. Ségolène Royal en a fait autant publiquement, mais sans se prononcer sur l’éventualité d’un référendum ni répondre aux courriers d’ACDN, laissant ce soin à François Hollande et Julien Dray. (Voir ci-dessous les réponses de Julien Dray, François Hollande et Nicolas Sarkozy). Sollicité à plusieurs reprises, François Bayrou n’a pas confirmé sa position en faveur du désarmement.

Deux candidats ont répondu positivement aux deux questions : Marie-George Buffet et José Bové. ACDN invite les électeurs à en tenir compte dans leur vote du premier tour, sachant par ailleurs que José Bové s’est prononcé pour la sortie du nucléaire civil et l’abandon du réacteur EPR, dont Marie-George Buffet souhaite la construction.


LETTRES reçues en réponse au questionnaire d’ACDN.


Lettre de Julien Dray, le 30 octobre 2006

Monsieur,

J’ai bien reçu la lettre que vous m’avez adressée dernièrement, accompagnée d’un questionnaire sur le désarmement nucléaire.

Même si je peux être réceptif, à titre personnel, aux arguments humanistes qui sont les vôtres et vous font plaider pour le désarmement nucléaire de la France, vous m’interrogez en tant que porte-parole du Parti socialiste et je me dois donc de vous répondre en tant que tel.

A ce titre, je vous précise que le projet socialiste pour 2007 ne prévoit pas de désarmer à une heure où le monde apparaît aux yeux de nos concitoyens comme plus dangereux et plus menaçant. Il prévoit à ce titre de maintenir la dissuasion nucléaire dans l’objet qui est le sien depuis plusieurs dizaines d’année(s) : la prévention des agressions contre nous-même(s) et contre nos partenaires européens.

En vous priant de croire en l’assurance de mes sentiments distingués.

Julien DRAY

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COMMENTAIRE

Est-ce parce que "le monde APPARAIT aux yeux de nos concitoyens comme plus dangereux et plus menaçant" qu’il faut s’abstenir de désarmer ? N’est-ce qu’une question d’apparence, d’image, et d’opinion à brosser dans le sens (supposé) du poil ?

Ne serait-ce pas au contraire parce que le monde EST REELLEMENT "plus dangereux et plus menaçant", qu’il faut le rendre moins dangereux et moins menaçant ? Mais comment le faire sans réduire ses énormes stocks d’armes, sans écarter la menace permanente de destruction mutuelle, sans utiliser "les dividendes de la détente" pour réduire les facteurs de guerre que sont la misère, l’ignorance, l’oppression, l’injustice et l’arrogance des pays forts, la haine et la révolte qu’elles entraînent, le fanatisme et la dictature qui s’en nourrissent ? Et comment inciter les autres pays à désarmer, si l’on s’exclut soi-même du processus ?


Lettre de François Hollande, le 17 novembre 2006

Monsieur,

J’ai bien reçu votre courrier du 17 octobre dernier et celui-ci a retenu toute mon attention.

Vous avez souhaité m’interroger sur la question du désarmement nucléaire et sur celle de l’industrie nucléaire civile.

Sur le premier point, le Parti socialiste, conscient des risques croissants de prolifération nucléaire à l’échelle mondiale, entend faire du contrôle de celle-ci un de ses principes prioritaires en matière de politique extérieure et nous oeuvrerons, dans toute la mesure de nos moyens, pour le respect de l’application du Traité de Non Prolifération, dont la France est signataire.

Quant à notre politique de défense, s’il n’est pas question de "désarmer" dans un monde de plus en plus instable et dangereux, nous pensons que la dissuasion nucléaire française doit rester dans une logique d’interdiction de l’agression contre nous-mêmes et nos partenaires de l’Union Européenne.

Un nouveau livre blanc sur la défense, qui sera précédé d’un débat approfondi et transparent, définira nos options stratégiques majeures face aux menaces et risques de l’avenir.

Concernant le nucléaire civil, le projet socialiste se donne pour objectif de réduire sa part dans nos sources d’énergie, en portant à 20 % d’ici 2020 et à 50% à plus long terme la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.

Soyez assuré de notre volonté d’agir en faveur d’un développement plus juste et durable, de la paix et de la sécurité dans le monde.

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

François HOLLANDE

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COMMENTAIRE

- Comment le Parti socialiste, "conscient des risques croissants de prolifération nucléaire à l’échelle mondiale" entend-il "faire du contrôle de celle-ci un de ses principes prioritaires", si son premier geste pour obtenir "le respect de l’application du Traité de Non Prolifération, dont la France est signataire" consiste à ne pas respecter l’application de l’article VI dudit Traité, qui fait obligation à la France de négocier l’aboliton de son arsenal nucléaire ?

- "Agir en faveur d’un développement plus juste et durable, de la paix et de la sécurité dans le monde", c’est une excellente intention. Mais perpétuer la "dissuasion nucléaire française" et, pire encore, la développer en conservant l’intégralité de ses programmes de prolifération verticale (nouveaux armements nucléaires : 4e SNLE-NG, missile M51, missile ASMP-A, Têtes Nucléaires Océanique et Aéroportée, Laser Mega Joule...), est-ce le meilleur moyen d’y parvenir ? (Voir ci-dessus, à propos de Julien Dray.)


Lettre de Nicolas Sarkozy, le 26 mars 2007

Cher Monsieur,

La récente correspondance que vous avez eu l’amabilité de me faire parvenir a retenu toute mon attention et je vous en remercie.

C’est avec intérêt que j’ai pris connaissance de vos observations, de vos interrogations, de vos attentes ainsi que de vos doutes. C’est pourquoi, je tenais à vous apporter les précisions suivantes.

Garantir la sécurité de nos compatriotes, assurer la protection de nos intérêts vitaux restent la priorité de notre politique étrangère et de défense. Notre existence en tant qu’Etat et en tant que nation en dépend. Cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés. Elles relèvent du domaine de la dissuasion nucléaire autonome. Mais nos intérêts de sécurité évoluent aussi en fonction de l’interdépendance croissante des pays européens et de la mondialisation. Aujourd’hui, les nouvelles menaces sont la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, les Etats qui ont perdu toute structure étatique ou gouvernementale, la mise en danger de nos approvisionnements stratégiques, les catastrophes écologiques, humanitaires ou encore les pandémies. Ces menaces sont nombreuses, réelles, sérieuses. Cela doit nous conduire à améliorer nos capacités d’anticipation et d’analyse des crises et des menaces, à augmenter nos moyens de projection de troupes à l’étranger, ainsi que leur protection, à mettre en place une vraie protection du territoire et des populations civiles en cas d’attaques terroristes ou de catastrophes technologiques ou naturelles. La protection de nos intérêts de sécurité,notamment en matière de contre-prolifération, peut rendre également nécessaire une action dans des zones plus éloignées de nous, qui justifie de conforter le développement d’une capacité de frappe dans la profondeur en territoire hostile.

Il faut maintenir l’effort de défense au moins à son niveau actuel. Ce n’est incompatible ni avec une meilleure maîtrise financière et temporelle des programmes d’équipements, ni avec une révision plus régulière de nos analyses stratégiques. Cela doit s’accompagner de réformes de structure visant à faire de notre armée, de nos interventions, de notre industrie de défense des facteurs d’excellence pour notre pays. La construction d’une politique européenne de sécurité et de défense est un de nos grands objectifs pour les années à venir.

Enfin, promouvoir nos valeurs humanistes sur la scène internationale et assumer notre responsabilité de membre permanent du conseil de sécurité, et pour cela continuer d’exercer notre capacité d’influence dans le règlement des conflits internationaux, sont des objectifs déterminants de notre politique étrangère. Nous devons être fermes sur l’objectif de non-prolifération nucléaire qui est une nécessité absolue pour la sécurité du monde. Notre identité démocratique tout comme notre Histoire nous donnent la mission de promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde.

Par ailleurs, la dissuasion par le nucléaire est selon moi l’assurance vie de la Nation, la garantie qu’un autre Etat devra réfléchir avant de s’en prendre à la France sauf à s’exposer à une sanction immédiate. Si je suis élu Président de la République, je prends l’engagement de garantir la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes, dans le respect du principe de stricte suffisance des moyens déployés.

Je vous prie de croire, Cher Monsieur, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas SARKOZY,

Candidat à l’élection présientielle

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REPONSE D’ACDN, le 18 avril 2007

Monsieur le candidat,

Au nom de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, je vous remercie d’avoir bien voulu répondre personnellement et de façon circonstanciée à deux de ses adhérents qui vous avaient soumis les deux questions posées par notre association à l’ensemble des candidats à la présidentielle. J’aimerais commenter plus particulièrement la réponse que vous avez faite le 26 mars dernier à l’un d’eux, par ailleurs membre de l’UMP, qui vous avait écrit le 26 janvier pour vous faire part de ses préoccupations quant à la politique nucléaire de la France.

Nous apprécions que, contrairement à certains candidats, vous vous soyez exprimé sur le sujet, même si nous regrettons que, contrairement à d’autres, vous n’ayez répondu positivement ni à notre demande d’une initiative rapide de la France visant l’ouverture de négociations sur le désarmement nucléaire intégral, universel et contrôlé qu’exige l’article VI du Traité de Non Prolifération, ni à notre demande d’organiser un référendum sur cette question. C’est votre choix. Il serait respectable s’il n’était à la fois contraire à l’engagement de la France au regard du droit international (TNP), contraire à l’article V de la Constitution française, contraire à la morale humaine la plus largement répandue, contraire au simple bon sens, contraire enfin aux « intérêts vitaux » de la France.

Les « précisions » que vous apportez dans votre lettre, loin de répondre à nos « interrogations », nos « attentes » et nos « doutes », me semblent justifier ce qui précède. Bornons-nous à 7 points.

- 1 - Vous écrivez : « Garantir la sécurité de nos compatriotes, assurer la protection de nos intérêts vitaux restent la priorité de notre politique étrangère et de défense. Notre existence en tant qu’Etat et en tant que nation en dépend. Cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés. Elles relèvent du domaine de la dissuasion nucléaire autonome. »

Vous ne semblez pas avoir remarqué qu’il est contradictoire d’affirmer que la France a besoin d’une « dissuasion nucléaire autonome » pour assurer la sécurité de ses citoyens, la protection de ses intérêts vitaux et jusqu’à son existence, et affirmer d’un autre côté que "cette sécurité et cette protection s’étendent à nos amis et à nos alliés", autrement dit que ceux-ci bénéficient de NOTRE dissuasion nucléaire. S’ils en bénéficient, c’est qu’ils n’ont pas besoin, eux, d’une « dissuasion nucléaire autonome ». Alors pourquoi en aurions-nous besoin, NOUS ? Mais si nous en avons réellement besoin, nous, pourquoi n’en auraient-ils pas besoin, EUX AUSSI ? Il faut vite qu’ils s’en procurent une !

En réalité, si leur sécurité ne dépend ni leur "dissuasion nucléaire autonome", puisqu’ils n’en ont pas et n’en souhaitent pas, ni de la nôtre, puisqu’ils n’ont pas demandé à être protégés par elle, c’est qu’ils n’ont besoin d’aucune "dissuasion nucléaire" pour assurer leur propre sécurité. Nous non plus, par conséquent. Sauf à supposer que nous, Français, soyons des êtres à part, particulièrement menacés ou particulièrement fragiles. On comprend dès lors l’agacement des étrangers, y compris nos partenaires européens, devant ce petit coq gaulois qui, voyant des ennemis partout, tantôt effrayé, tantôt tonitruant (« le Tonnant, « le Terrible »...), tantôt ébouriffant ses plumes (« le Triomphant », « le Redoutable »...), toujours monté sur ses ergots, toujours cocoriquant, propose sa protection au reste de la basse-cour.

- 2 - Vous évoquez ensuite « les nouvelles menaces » et vous dites à bon droit qu’elles sont "nombreuses, réelles, sérieuses". Mais en quoi nos bombes atomiques vont-elles nous permettre de combattre "la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, les Etats qui ont perdu toute structure étatique ou gouvernementale, la mise en danger de nos approvisionnements stratégiques, les catastrophes écologiques, humanitaires ou encore les pandémies" ?

Est-ce donc à coup de bombes atomiques qu’on soigne les pandémies ? Qu’on prévient ou qu’on répare les catastrophes naturelles ? Qu’on obligera nos fournisseurs à nous approvisionner, sous la menace, en fournitures "stratégiques" (pétrole, gaz, uranium, métaux rares...) ? Qu’on restructurera les Etats déstructurés ? Qu’on terrorisera les terroristes ? Qu’on empêchera les autres Etats -ou les terroristes- de vouloir se procurer des armes de destruction massive, soit nucléaires comme les nôtres, soit chimiques ou biologiques, en tout cas de FAIRE COMME NOUS ?

Pour leur en faire passer l’envie, suffira-t-il d’"être fermes sur l’objectif de non-prolifération nucléaire qui est une nécessité absolue pour la sécurité du monde", comme vous dites ? George W. Bush voulait empêcher la Corée du Nord de se doter de la bombe et il n’y est pas parvenu. Manquait-il donc de fermeté, ce pied tendre ? Comment comptez-vous faire mieux ?

- 3 - Il est vrai que le succès de la Corée du Nord semble vous donner raison d’un autre point de vue, celui des théoriciens français de la "dissuasion du faible au fort" que vous avez fait vôtre : si ce petit pays d’à peine plus de 20 millions d’habitants (deux millions étant morts de faim... sans doute grâce à la Bombe...) a pu tenir tête au plus puissant de tous, les Etats-Unis, n’est-ce pas justement grâce à son arme nucléaire, qui lui a évité le sort de l’Irak ? (« Ah, si Saddam Hussein avait possédé la Bombe, les Irakiens n’en seraient pas là ! ») N’est-ce pas la preuve qu’une "dissuasion nucléaire autonome" est bien l’"assurance vie de la Nation", qu’il faut et qu’il suffit d’avoir atteint le "seuil de suffisance" pour « sanctuariser » le territoire national ?

Non pourtant, car ce qui pouvait donner aux Etats-Unis la tentation d’intervenir militairement contre la Corée du Nord, c’était précisément qu’elle ambitionnait de devenir nucléaire -l’accession à l’arme nucléaire l’a donc mise en danger- et ce qui les en a retenus, ce n’est pas son arme nucléaire puisqu’elle ne l’avait pas encore (ou que celle-ci n’était pas opérationnelle), c’est un ensemble complexe de considérations stratégiques : entre autres, le risque de bouleverser un équilibre régional difficilement maintenu depuis 1953, le risque de se heurter à l’allié chinois, lui-même nucléaire, de la RPDC, le risque de mettre à feu et à sang leur allié sud-coréen (les moyens de bombardements nord-coréens étant considérables), le risque de s’enliser sur un troisième front, après l’Afghanistan et l’Irak...

Ainsi, le « cas coréen » ne prouve nullement qu’une « dissuasion nucléaire autonome » soit indispensable à la "sanctuarisation" d’un pays. D’ailleurs son dirigeant suprême, authentique dictateur mais pas fou pour autant, se dit prêt aujourd’hui à y renoncer en échange d’approvisionnements en pétrole et d’une promesse de non-intervention garantie internationalement.

- 4 - Supposons néanmoins fondée cette nécessité qu’affirment les partisans de l’arme nucléaire : leur donner raison au niveau national, c’est leur donner tort globalement, au niveau international.

En effet, si l’on admet comme vous que la Bombe est une "assurance vie" pour la Nation, alors toute nation y a droit, et l’on ne peut en interdire l’accès à quiconque. Les gouvernements des Etats « proliférants » partagent cet avis, et c’est pourquoi on peut dire que la "dissuasion du faible au fort" est directement à l’origine de la prolifération nucléaire, véritable fléau qui menace le monde d’une catastrophe finale - sur ce point nous sommes d’accord.

Il n’y a en fait que deux moyens d’empêcher la prolifération ou comme vous dites si bien, de répondre à cette "nécessité absolue pour la sécurité du monde". Le premier serait un désarmement général, mais il implique d’accepter d’y prendre part, donc de confier sa propre "assurance vie" à autre chose qu’à la Bombe. L’autre moyen, ce sont des pressions de toute sorte, comme celles dont l’Iran fait l’objet actuellement, et lorsque celles-ci ont échoué, c’est de livrer à tout Etat "proliférant" ou « potentiellement proliférant » une "guerre préventive". C’est d’intervenir militairement AVANT qu’il ne dispose de la Bombe et la rende opérationnelle, pour l’en empêcher. Comme en Irak, avec la « guerre du Golfe » et ses suites actuelles. Comme cela pourrait être le cas en Corée du Nord, n’étaient les considérations citées plus haut. Comme ce sera peut-être le cas demain en Iran, après-demain en Egypte ou dans l’un des quelque quarante Etats reconnus capables de « franchir le seuil ».

Ainsi, "l’assurance-vie nucléaire" de chaque nation, c’est la promesse de perpétuelles « guerres préventives », débouchant un jour ou l’autre sur une catastrophe générale - c’est l’assurance-décès de toutes les nations.

- 5 - Faut-il cependant espérer avec vous que nos bombes atomiques, véritables bonnes à tout faire, nous conduiront "à améliorer nos capacités d’anticipation et d’analyse des crises et des menaces" ? Cette amélioration est d’autant plus urgente que nos stratèges nucléaires ont été incapables jusqu’à présent d’anticiper et d’analyser les crises et les menaces, tant ils se croyaient à l’abri de tout, grâce à notre "dissuasion nucléaire autonome", cette "assurance vie de la Nation" dont vous parlez et dont 184 Etats se passent, pour le moment, sans paraître s’en porter plus mal (bien au contraire) ni être menacés de disparition. Soyons modestes toutefois : nos stratèges et nos dirigeants politiques n’ont fait ni mieux ni pire que ceux des autres Etats nucléaires. Tous ont activement coopéré à la folie générale, avec pour résultat généreusement partagé "la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme", et de nouvelles menaces "nombreuses, réelles, sérieuses", comme vous dites. Ou comme dirait M. Dray, un monde "plus dangereux et plus menaçant" que jamais.

- 6 - Pour illustrer l’absurdité de cette stratégie, prenons l’exemple du missile M51, actuellement à l’essai. Avec une allonge annoncée de 6 à 8000 kilomètres, il est vrai qu’il nous fournira une "capacité de frappe dans la profondeur en territoire hostile" dans des "zones éloignées de nous". Encore un petit effort d’imagination et pour frapper Pékin ou Ouagadougou, nos sous-marins n’auront même plus besoin de quitter la rade de Brest. Mais vont-ils, de ce fait, dissuader la Chine, donc aussi l’Inde et le Pakistan, de perfectionner leurs armements et le Japon d’en faire autant en modifiant sa constitution ?

Il est par ailleurs douteux que le programme M51 et les autres "programmes d’équipements" nucléaires bénéficient de cette "meilleure maîtrise financière et temporelle" que vous appelez de vos voeux. De 18 à 25 milliards d’Euros, c’est ce que devrait nous coûter en cinq ans cette « prolifération verticale », sans parler du simple entretien de l’existant.

Il est encore moins évident que ces programmes nous permettent de "mettre en place une vraie protection du territoire et des populations civiles en cas d’attaques terroristes ou de catastrophes technologiques ou naturelles". D’autant que les matériaux fissiles ont une fâcheuse tendance à attirer les terroristes et les catastrophes technologiques...

Enfin, horribile dictu, ils ne contribueront même pas à construire "une politique européenne de sécurité et de défense", puisque :

- la décision d’employer une arme nucléaire, CELA NE SE PARTAGE PAS (d’où le privilège du Prince, assassin solitaire embusqué sous l’Elysée dans le PC Jupiter) ;

- la plupart des autres Etats européens (et plus encore leurs peuples) NE VEULENT PAS D’ARMES NUCLEAIRES POUR LES PROTEGER !

- le Parlement européen a par deux fois exigé QUE LAFRANCE ET LE ROYAUME-UNI RENONCENT A LEURS ARSENAUX NUCLEAIRES !

Combien de temps encore allons-nous donc chercher à fourguer notre "dissuasion nucléaire autonome" à "nos amis et nos alliés" ? Disons-le franchement : sans doute aussi longtemps que nous chercherons à leur vendre les « produits d’excellence » de notre "industrie de défense" qui est en dernière instance l’unique raison d’être de cette "politique de défense", l’unique finalité de tout ce fatras stratégique, en sus du vertige de la toute-puissance régalienne.

- 7 - Pour conclure votre démonstration, vous nous expliquez, M. Sarkozy, qu’on peut compter sur la bombe atomique pour "promouvoir nos valeurs humanistes sur la scène internationale".

"Notre identité démocratique tout comme notre Histoire nous donnent la mission de promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde" : c’est indéniable, puisque vous le dites et que vous proposez d’assurer cette mission. Comme il est indéniable qu’il n’y a pas de meilleur moyen de "promouvoir la liberté et le respect de l’individu dans le monde" que de menacer de massacrer des millions d’individus d’un seul coup, d’un seul, et s’il le faut, de le faire pour de bon.

"Si je suis élu Président de la République, dites-vous encore, je prends l’engagement de garantir la crédibilité politique et technique de nos systèmes d’armes". Cela signifie deux choses :

1. Crédibilité technique : nos bombes atteindront bien leurs cibles et feront bien les dégâts prévus (7 fois Hiroshima pour les TN75 ; et 22 fois Hiroshima pour les ASMP emportés par avion).

2. Crédibilité politique : on peut compter sur vous pour vous faire prendre au sérieux. S’il faut employer la bombe, vous ne faillirez pas. Pas plus que n’a failli le président Truman : Hiroshima, Nagasaki. Dont acte.

Si vous étiez élu, vous seriez donc, Monsieur Sarkozy, d’une tout autre trempe que le président Valéry Giscard d’Estaing, qui, après avoir testé une invasion soviétique au cours de manoeuvres militaires (en mai 1980), en déduisit secrètement (mais il l’a révélé dans ses mémoires) qu’il n’emploierait jamais l’arme nucléaire en premier - ce qui était pourtant et reste dans la stratégie française le propre de "l’ultime avertissement" avant la « frappe anti-cités », et ce qui serait aussi le cas d’une « frappe préventive ». Pourquoi ? Parce qu’il préférait l’occupation de la France à sa destruction mutuelle assurée, « son anéantissement », et la survie des Français à leur suicide collectif, même baptisé « défense de nos intérêts vitaux » et décidé par un unique cerveau. Avec vous, Monsieur Sarkozy, ce serait l’inverse : quiconque voudrait "s’en prendre à la France" s’exposerait "à une sanction immédiate". Il passerait un sale quart d’heure, quitte à ce que les Français vivent leur dernier quart d’heure. Autant d’humains qui mourraient par millions.

Abstraction faite d’autres motifs, c’est l’ultime raison pour laquelle nous avons le regret, Monsieur Sarkozy, d’appeler nos concitoyens à ne voter en aucun cas pour vous.

Jean-Marie Matagne, président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)



Texte complet.

QUESTIONNAIRE CITOYEN

Madame, Monsieur,

L’article 6 du Traité de Non Prolifération (TNP) signé par tous les Etats excepté Israël, l’Inde et le Pakistan, prévoit l’interdiction de toutes les armes nucléaires et leur élimination sous un contrôle international strict et efficace. Nous aimerions connaître votre avis :

En tant que citoyen(ne) :

- 1. Voulez-vous que la France demande à tous les Etats nucléaires, signataires ou non du TNP, de négocier, adopter et mettre en œuvre au plus tard en 2010 un calendrier d’élimination de leurs arsenaux nucléaires sous un contrôle international strict et efficace, suspende jusqu’en 2010 inclus ses programmes de nouveaux armements nucléaires, et affecte leur budget à la satisfaction de besoins sociaux, sanitaires, culturels, éducatifs, environnementaux ou humanitaires ?

[_] OUI [_] NON

- 2. Souhaitez-vous être consulté(e) par référendum sur cette question ?

[_] OUI * [_] NON

S’il y a lieu, en tant qu’élu(e) :

- 3. Accepteriez-vous de soutenir par les moyens dont vous disposez ou disposerez toute démarche permettant d’obtenir l’organisation d’un référendum sur la question 1 ?

[_] OUI * [_] NON

Vos fonctions électives :

S’il y a lieu, en tant que candidat(e) aux élections présidentielle ou législatives de 2007 :

- 4. Vous engagez-vous, si vous êtes élu(e) à la présidence de la République, à organiser un référendum sur la question 1 dans un délai d’un an à compter de votre élection, ou si vous êtes élu(e) à l’Assemblée Nationale, à voter un projet de loi organisant ce référendum ?

[_] OUI * [_] NON

La fonction que vous briguez :

[_] Président(e) de la République

[_] Député(e) dans la circonscription de :

* Si oui, et si vous souhaitez contribuer à obtenir l’organisation de ce référendum, merci de bien vouloir indiquer au verso de cette feuille les NOM, Prénom et coordonnées des élus (députés, sénateurs, maires, adjoints, conseillers régionaux, généraux et municipaux...), des candidats ou des responsables politiques auxquels vous avez envoyé une copie de ce questionnaire. Vous pouvez également préciser les motifs de vos réponses.