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AREVA : L’enfant chéri de l’énergie nucléaire française en plein effondrement financier

Par Harvey Wasserman


Publié le 1er avril 2009

Harvey Wasserman est l’auteur de "Solartopia ! Our Green-Powered Earth" (http://solartopia.org). Il est éditeur de http://freepress.org, où cet article a d’abord été publié en anglais.

Traduction française de Francine Fèvre pour ACDN ⓒmars 2009.


Le mythe du succès de l’industrie nucléaire en France est en train de s’effondrer en plein chaos financier.

En même temps s’évanouit l’espoir des industriels qui croyaient à la ‘renaissance nucléaire’, à savoir la construction de nouveaux réacteurs, maintenant engluée dans les déficits budgétaires et les déchets radioactifs.

Areva, vitrine de l’industrie nucléaire, nationalisée, est en pleine crise financière, causée par un manque de liquidités dévastateur.

L’Union Européenne accuse EDF d’avoir une politique de prix qui risque de mettre en péril les mécanismes de compétition dans tout le continent.

Les retards et les dépassements de coûts s’accumulent pour la construction du réacteur d’Olkiluoto, en Finlande. Areva a admis que le surcoût du chantier finnois pourrait être de 2,2 millions de dollars, soit un dépassement de 55% par rapport au coût prévu initialement, après 3 ans et demi de chantier. Le projet de Flamanville, le seul réacteur actuellement en construction en France, a déjà dépassé les prévisions de coût de 1 milliard de dollars, au bout d’une seule année de construction.

En 2008, la production d’électricité nucléaire en France a diminué de 0,1%, tandis que celle d’origine éolienne a augmenté de plus de 37%.

Les tentatives de construction de nouveaux réacteurs français aux Etats-Unis rencontrent des résistances accrues.

Et la faillite définitive de la décharge nucléaire de Yucca Mountain aux Etats-Unis renvoie à l’incapacité de la France à gérer ses propres déchets radioactifs.

Largement dépeint comme un succès modèle, le constructeur de réacteur Areva est cependant désespérément à court d’argent. Alors qu’il implore le soutien de son actionnaire principal, l’Etat français, sa mauvaise gestion et la façon dont il fait la promotion et la construction de nouveaux réacteurs ont détruit son image auprès des marchés financiers planétaires. D’après Mycle Schneider, l’auteur, basé à Paris, de l’ouvrage « Le nucléaire en France : au-delà du mythe », les actions d’Areva ont plongé de plus de 60% depuis juin 2008, soit deux fois plus que le CAC40, l’indicateur standard des 40 plus importantes compagnies françaises cotées en bourse.

Le département de relations publiques hyper-actif d’Areva a beaucoup fait mousser la récente commande pour la construction de deux nouveaux réacteurs en Chine. Mais Areva mendie à l’heure actuelle auprès des contribuables français 4 milliards de dollars de renflouement et aura peut-être besoin de 6 milliards supplémentaires pour payer ses investissements dans les mines d’uranium, la production de combustible et les entreprises industrielles lourdes.

Areva va aussi avoir besoin de plus de deux milliards d’euros (environ 3 milliards de dollars) pour racheter des actions de son unité de réacteur nucléaire après le retrait de Siemens de sa joint venture. Il y également eu des ratés importants, hautement visibles, dans la transaction chinoise. Et Areva risque de devoir verser des milliards supplémentaires en pénalités de retard et dépassement de prix sur son site de construction en Finlande.

Le gouvernement finnois va aussi devoir supporter les coûts supplémentaires de taxation sur les émissions de carbone, qu’il comptait éviter grâce au nouveau réacteur, source d’énergie ‘non polluante’ dès cette année. Olkiluoto ne fournira certainement pas d’électricité avant 2012.

A cause de ces problèmes, le président français, Nicolas Sarkozy, va être confronté à des licenciements et des ventes d’actifs d’Areva, géant fournisseur d’énergie, nationalisé, qui a vu le jour en 2001.

La commande chinoise de deux réacteurs inclut une promesse de la part d’Areva de fournir jusqu’à 20 ans de combustible nucléaire. Areva espère aussi vendre sept réacteurs aux Etats-Unis, mais ces plans rencontrent une sérieuse résistance. Des batailles complexes sur la propriété et la licence ont fait surface à Constellation Energy, qui devait être le conduit pour la construction de deux nouveaux réacteurs au Maryland. Les consommateurs d’énergie en Floride refusent que ce soit le public qui finance la construction des nouveaux réacteurs. Les tarifs d’électricité y ont déjà brutalement augmenté en raison du projet de construction, ce qui a déclenché la colère du public.

Le marché potentiel américain a aussi souffert de l’arrêt définitif du projet de décharge de haute sécurité à Yucca Mountain, au Nevada. Présenté pendant des décennies comme l’élément central de ‘la solution’ américaine au problème des déchets nucléaires, et après avoir englouti au moins 10 milliards de dollars, le site de Yucca est aujourd’hui abandonné et renvoie au dilemme français concernant la gestion des déchets.

L’usine de retraitement de la Hague est condamnée, de façon générale, pour ses décharges massives de radioactivité dans la Manche et dans l’atmosphère. L’usine a produit plus de neuf mille containers de déchets hautement radioactifs, sans avoir d’endroit où les stocker en sécurité. Le plutonium qu’elle génère en sous-produit a compliqué les efforts entrepris à l’échelle mondiale pour limiter la diffusion de matériaux radioactifs susceptibles d’être utilisés pour la fabrication de bombes nucléaires.

En plus des déchets dus au retraitement, et qui n’ont pas de dépôt permanent, les 58 réacteurs français ont aussi accumulé plus de dix mille tonnes de crayons de combustible usé, de même que les 104 unités en fonctionnement aux Etats-Unis.

Areva déclare avoir l’espoir de lever des fonds en vendant une partie d’une usine d’enrichissement d’uranium en construction dans le sud de la France au japonais Kansai Electric. D’autres ventes de biens pourraient être impactées par la baisse du marché. Areva espère aussi former un partenariat avec le constructeur d’armes américain Northrop Grumman pour construire des équipements lourds de réacteurs en Virginie.

Par ailleurs, le 11 mars dernier, les officiels de l’Union européenne ont effectué une descente dans les bureaux d’EDF pour cause de ‘suspicion de conduite illégale pouvant inclure des augmentations de tarifs sur le marché en gros de l’électricité en France’. Cette action surprenante contre l’énorme conglomérat, appartenant pour 84,8% à l’état français, pourrait se conclure par d’énormes amendes.

L’Union Européenne dit qu’EDF a peut-être manipulé les tarifs et renégocié des contrats pour une soixantaine d’utilisateurs industriels importants. Les partisans du nucléaire répètent à l’envi que près de 80% de l’électricité produite en France est d’origine nucléaire et est distribuée par EDF. Mais les soucis financiers d’Areva et le scandale de la fixation des prix d’EDF soulignent les énormes contraintes financières qu’imposent la construction et le fonctionnement des réacteurs atomiques. D’après Mycle Schneider, les actions d’EDF ont chuté de 40% au cours des six derniers mois. Quand la direction a annoncé en février 2009 que des charges plus élevées que prévu avaient diminué les profits, le cours de l’action a chuté de 7% du jour au lendemain et a continué à baisser depuis. L’action EDF est maintenant à 12% en dessous de la valeur qu’elle avait lors de son introduction en bourse en novembre 2005. Pas vraiment un investissement brillant.

EDF et Areva sont au cœur de ce que l’on a appelé la ‘renaissance nucléaire’ mondiale. Leurs problèmes financiers soulignent une faillite épique qui a été un facteur non négligeable dans la crise économique mondiale actuelle. Après un demi-siècle de subventions gouvernementales massives aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en France et ailleurs, l’énergie atomique croule encore sous le poids de coûts de construction élevés et de prix d’électricité non compétitifs.

Lors de la prise de contrôle récente par EDF du producteur nucléaire British Energy, pour 17,5 millions de dollars, la direction d’EDF a émis un avertissement selon quoi l’engagement de l’Angleterre en faveur des éoliennes pourrait miner le futur de l’énergie nucléaire. Ce commentaire a suscité étonnement et dédain parmi la communauté environnementale.

La communauté financière s’inquiète encore du coût de 500 milliards de dollars (et qui s’alourdit encore) de l’explosion de Tchernobyl en 1986. Il y a juste 30 ans ce mois-ci que le ‘capital’ de 900 millions de dollars de Three Mile Island s’est transformé en fardeau de dimension épique. Quant au réacteur Fermi I à Monroe, au Michigan, c’est le 5 octobre 1966 qu’il a fondu en un tas de 100 million de dollars.

Les coûts du tremblement de terre de l’année dernière, qui a endommagé sept réacteurs à Kashiwasaki au Japon, augmentent toujours. L’abandon du site de Yucca Mountain a réduit à néant des milliards de dollars d’investissement, financés par les contribuables et les consommateurs d’énergie. Les mouvements populaires qui prennent de l’ampleur au Vermont et ailleurs menacent de supprimer les extensions de licence et de provoquer la fermeture des réacteurs américains dont le décommissionnement était prévu par des financements mis à mal par l’effondrement des fonds d’investissement américains.

L’argument selon lequel l’énergie nucléaire constitue une réponse au problème du réchauffement planétaire s’est trouvé être une source d’embarras en France lorsqu’il a fallu arrêter les réacteurs lors des chaleurs estivales parce qu’ils réchauffaient l’eau des rivières bien au-delà de la limite légale. Dans un autre cas, il a fallu arroser une enceinte de confinement de réacteur afin de le refroidir jusqu’à une température compatible avec son fonctionnement. Des problèmes semblables ont eu lieu dans un réacteur situé en Alabama.

Des surcoûts et des retards énormes continuent d’augmenter sur le site de construction du réacteur d’Areva en Finlande, mais l’industrie veut un accès illimité aux fonds financés par les contribuables. La litanie des échecs du nucléaire continue à garantir au contraire que les investisseurs privés vont se tourner vers les technologies réellement ‘vertes’, comme le solaire, l’éolien et la recherche d’efficacité.

Ainsi, en France comme ailleurs, la ‘renaissance nucléaire’ risque bien d’être mort-née. En 2007, la génération d’électricité nucléaire mondiale a chuté de 2%, un chiffre jamais vu. D’après Schneider, en 2008, pour la première fois dans l’histoire de l’énergie nucléaire, aucun nouveau réacteur n’a été raccordé au réseau.

Comme l’ouvrage de Schneider « Le nucléaire en France : au-delà du mythe » le souligne, après 35 ans de production, le paradis nucléaire français ne fournit que 16% de ses besoins en énergie grâce au nucléaire. Commissionné par le Groupe des Verts/ALE au Parlement Européen (Bruxelles, 2008), le rapport de Schneider (http://www.greens-efa.org/cms/topics/rubrik/6/6659.energy@en.htm) montre qu’en dépit d’un énorme investissement dans le nucléaire, presque la moitié de la consommation d’énergie en France provient encore du pétrole.

En fait, dit Schneider, « le gaspillage inhérent à l’économie et aux ménages français entraîne une consommation de pétrole par habitant supérieure à celle que l’on voit en Allemagne, en Italie, en Grande Bretagne et même supérieure à la moyenne européenne.

« Ceux qui pensent que l’énergie nucléaire pourrait être une solution propre et bon marché pour rendre les Etats-Unis moins dépendants du pétrole devraient examiner de près l’exemple français ».

Au cœur français de sa ‘renaissance’, la machine nucléaire ralentit au lieu d’accélérer. La fin est proche pour une technologie radioactive qui, au bout de 50 ans, est toujours incapable de susciter un niveau de financement privé durable, ne montre aucun signe de pouvoir un jour s’autofinancer, et est maintenant plongée dans un chaos financier qui ne fait que s’amplifier.

Harvey Wasserman Free Press