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La France comme obstacle à l’abolition des armes nucléaires

Par Peter Low, Université de Canterbury (Nouvelle Zélande)


Publié le 8 mai 2013

Je me demande si la France a jamais été un champion du désarmement, sauf en 1925 contre les gaz de combat... Mais il s’agit ici des armes nucléaires depuis 1960.

Je suis néo-zélandais, j’habite loin de la France, dans le Pacifique. Mais cette région connaît bien la politique française de la bombe, après tant d’essais atmosphériques et souterrains en Polynésie. Mon pays est l’un des nombreux pays non-nucléaires ; il est même franchement anti-nucléaire - il a refusé consciemment le soi-disant “parapluie nucléaire” en 1985 en interdisant les visites de navires de guerre américains. Et notre gouvernement avait déjà (en 1973) envoyé une frégate en Polynésie pour protester contre les essais français. Ici on se souvient surtout de l’affaire de 1985 : l’homicide d’un homme de Greenpeace dans le port d’Auckland, commis par des agents français (d’une incompétence un peu risible). Le but subversif de Greenpeace était de dire des vérités sur le nucléaire, vérités mieux comprises, je crois, dans les pays non nucléaires.

Aujourd’hui les plus grands obstacles au désarmement nucléaires sont les USA, la Russie, la France, la Grande Bretagne et la Chine, dont pas un (je crois) n’a assisté à la grande conférence d’Oslo en mars 2013 sur les effets humanitaires de la bombe. C’est une sorte de cartel à cinq. Mais la Russie et les USA, du moins, ont pu négocier les START pour réduire leurs arsenaux ; la Chine a exprimé parfois la volonté d’y renoncer (peut-être pas sincère) ; et les Anglais sous l’impulsion des Ecossais se demandent actuellement s’ils peuvent vraiment renouveler leur système Trident...

La France, par contre, a tardé longtemps avant de cesser les essais atmosphériques, avant de cesser les essais souterrains. Parlons des derniers, ceux de 1995-96. Le président Chirac, nouvellement élu, a commandé 8 essais. Les populations du Pacifique-Sud, y compris celles de l’Australie orientale, ont protesté vivement. Moi-même j’ai participé à une délégation citoyenne (NZ, Samoa, Iles Cook) qui a passé 14 jours en France à exposer les dangers et à contester la théorie de la dissuasion.

J’admets que la France n’a pas violé le TNP avant 1992 - c’est qu’elle avait beaucoup tardé avant de le signer... d’une manière que je trouve hypocrite, puisque c’est l’un des pays peu nombreux qui en enfreignent constamment l’article 6.

Depuis 1995, bien sûr, la France poursuit des expériences nucléaires en labo - comme les USA, etc. - expériences de prolifération verticale qui contribuent à inciter à la prolifération horizontale de la part des Indiens, Pakistanais, Coréens, Iraniens... Sans être le seul pays coupable, la France continue à jouer un rôle négatif, orgueilleux, obstiné, tout à fait indigne de ses traditions républicaines de démocratie et des droits de la personne. D’ailleurs les arguments des présidents Chirac, Sarkozy, Hollande pour justifier leur bombe semblent tout faits pour être recyclés par les Iraniens, etc. qui développent les leurs. On s’attendait à une position plus éclairée de la part de la France (on est moins déçu de la Russie, de la Chine, ou d’Israël). En plus, je ne sais comment, la France a inculqué à de nombreux citoyens l’idée historiquement absurde qu’elle doive son siège au Conseil de Sécurité à la possession de la bombe !

La France pourrait-elle contribuer au désarmement nucléaire ?

Davantage, sans doute, que 188 autres pays - dont la plupart votent des résolutions anti-nucléaires à l’ONU et dont une vingtaine votent des résolutions de désarmement au Parlement européen. Davantage même que la coalition anti-nucléaire de Canada/Malaisie/Mexique/Australie/Irlande. La France est puissante, on aime Paris, on regarde Paris ! La France a sans doute perdu son empire, mais elle possède toujours une des plus grandes économies (la 6e ?) ; c’est l’un des pays principaux de l’Europe ; elle est capable de critiquer les plus grandes puissances (USA, Chine) et de refuser leurs intimidations ; elle est donc capable de rompre le cartel des cinq et de forcer ainsi un changement radical du jeu.

Un gouvernement français cherchant des applaudissements de l’étranger devrait renoncer à certains projets actuels (développement de sous-marins, de missiles, de têtes nucléaires...), mais il devrait surtout exercer son influence sur les gouvernements US, britannique, russe et chinois pour mettre en place de vraies négociations pour un vrai désarmement nucléaire multilatéral - conformément à ses obligations sous le TNP, dont le texte a été approuvé par presque toutes les nations de l’ONU. Nous attendons cela depuis plus de 40 ans ! Les Français devraient pousser leur gouvernement à s’y engager, par exemple au moyen d’un référendum comme celui proposé par ACDN, que pour ma part j’approuve et que j’ai soutenu en écrivant au président de la République Française.

Peter Low, professeur de français à l’Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande)

Membre de Quaker Peace and Service (New Zealand) et membre d’ACDN