[www.acdn.net] > Hiroshima, Nagasaki, Albert Camus et l’ombre des champignons atomiques
[ http://www.acdn.net/spip/spip.php?article811 ]

www.acdn.net > Accueil > Actualités > Articles d’actualité >


Hiroshima, Nagasaki, Albert Camus et l’ombre des champignons atomiques




Publié le 4 août 2013

Le 6 août 1945 à 8h 15, heure locale, dans le Japon encore en guerre contre les Etats-Unis, une bombe atomique à l’uranium explosait au-dessus d’Hiroshima, ville populeuse, préservée jusque là de tout bombardement afin de pouvoir attribuer à cette unique bombe tous ses effets destructeurs. Elle fit dans les secondes, les semaines et les années suivantes quelque 200 000 morts. Les survivants furent marqués à vie.

Trois jours plus tard, le 9 août à 11h 02, heure locale, une deuxième bombe américaine, cette fois au plutonium, explosait au-dessus de Nagasaki, suite à la décision prise par quatre jeunes hommes dans des circonstances ahurissantes. (1)

Depuis le 13 juillet, le président et le gouvernement des Etats-Unis savaient que le Japon était prêt à capituler, à deux conditions qui furent satisfaites par la suite : le faire dans l’honneur et conserver sur son trône l’empereur Hiro-Hito. Mais il fallait ces deux bombes pour montrer la puissance de la science, de la technologie, de l’économie et de la nation américaines.

En Europe et en France dejà en paix et libérées du joug nazi depuis trois mois, la plupart des commentateurs célébrèrent l’exploit technique et militaire, comme aux Etats-Unis. Sauf Albert Camus, dans son éditorial de Combat :

« Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »

« ...Qu’on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d’Hiroshima et par l’effet de l’intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d’une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d’une véritable société internationale, où les grandes puissances n’auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l’intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.

« Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. »

68 ans plus tard, nous vivons toujours à l’ombre de ces champignons mortifères, et l’appel de Camus n’a toujours pas atteint les ors ni les oreilles de l’Elysée. (2)

Saintes, le 4 août 2013

Jean-Marie Matagne


(1) Cf. HIROSHIMA, NAGASAKI : une histoire méconnue et des leçons plus que jamais d’actualité

(2) Alors que, outre-Manche, le 10 Downing Street commence à se poser de sérieuses questions, sous l’effet du référendum d’indépendance écossais prévu pour septembre 2014. Cf. Va-t-on laisser le Trident rouiller en paix ?