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La France envoie un navire-espion en Mer Noire, les Etats-Unis un destroyer lance-missiles




Publié le 11 avril 2014

Jeudi 10 avril 2014 aux aurores, le destroyer USS Donald Cook a pénétré dans le Bosphore en direction de la Mer Noire. Il était suivi, une heure plus tard, du navire de renseignement français, le Dupuy de Lôme.

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USS Donald Cook

Le destroyer US avait quitté sa base de Norfolk (Virginie) le 31 janvier dernier, pour rejoindre sa nouvelle base à La Rota en Espagne, à laquelle vont également être affectés les destroyers USS Ross, USS Porter et USS Carney. Ces quatre navires de la classe Arley Burke doivent remplir "une multitude de missions, incluant le spectre complet des opérations de sécurité maritime, des exercices multinationaux, l’intégration à des missions et déploiements de l’OTAN, ainsi que la défense antimissile de l’Alliance", expliquait en février 2012 le secrétaire d’Etat à la défense Leon Panetta. "Ils pourront notamment mettre en oeuvre le missile SM-3 qui, conjugué au système de défense aérienne Aegis, contribuera à l’édification d’un bouclier anti-missile balistique en Méditerranée", précisait Mer et Marine.

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Dupuy de Lôme

Le Dupuy de Lôme, lui, est un navire de renseignement électromagnétique d’un peu plus de cent mètres de long, 15 mètres de large, déplaçant 3600 tonnes à pleine charge. Unique en son genre, équipé de deux radômes, d’une grande antenne goniométrique, d’électronique de pointe, des systèmes de transmission par satellite Inmarsat et Syracuse 3, il a été présenté à la presse le 24 octobre 2005 à Toulon, pour la première et dernière fois, car "voué à la discrétion". Il était à l’époque "le plus moderne de sa catégorie dans le monde entier, notamment par rapport aux Norvégiens ou Russes", selon son commandant, cité par Mer et Marine. Il peut filer 16 nœuds et garder une autonomie de 70 jours, largement supérieure à ses missions habituelles.

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Le Donald Cook passe Istanboul le 10 avril 2014

Le Donald Cook et le Dupuy de Lôme ne devraient pas rester en Mer Noire plus de 21 jours, durée limite autorisée par la convention de Montreux aux navires militaires des nations qui n’y ont pas un accès permanent.
Tous deux participent aux manœuvres politico-militaires induites par la "crise ukrainienne". Toutefois, l’Agence de presse russe Novosti, qui emprunte à son bureau d’Ankara et au grand quotidien turc Hurriyet son information sur le passage de ces deux navires par le Bosphore, rappelle que la frégate lance-missiles USS Taylor était déjà dans les eaux de la Mer Noire en février "pour assurer la sécurité des Jeux Olympiques de Sotchi".

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USS Truxton

En mars, c’était le destroyer USS Truxtun (entré en service en 2009, de la même classe Harley Burke que le Donald Cook et équipé comme lui du système Aegis), "pour participer à des manoeuvres conjointes avec la Bulgarie et la Roumanie". Il y fut du 8 au 21 mars. Mais Novosti rappelle que, selon Serguei Lavrov, "par le passé la présence de navires US en Mer Noire a souvent dépassé les limites de la convention". (Cette protestation du ministre russe des Affaires étrangères date du 2 avril.)

Il est surprenant que ni la presse ni les médias français n’aient encore fait état de ce mouvement d’un navire de guerre français en Mer Noire.

On peut en effet s’interroger sur l’opportunité d’une telle incursion au moment où les pays de l’OTAN, protestant avec vigueur contre le positionnement de troupes russes à la frontière orientale de l’Ukraine, semblent avoir obtenu "un geste" du président Poutine, qui les a reculées d’une trentaine de kilomètres d’après le témoignage visuel du correspondant de France Inter ce 11 avril au matin.

Ne conviendrait-il pas, à tout le moins, que le peuple français et sa représentation parlementaire soient informés de "gestes" militaires qui n’ont rien d’anodin et ne sont pas sans risques ?

Dans leur lettre adressée le 9 avril aux présidents Poutine et Obama, de nombreuses ONG internationales parmi lesquelles ACDN soulignaient les dangers nucléaires de la crise ukrainienne, notamment "les graves dangers d’escalade et d’erreurs de calcul qui pourraient découler de la crise".

"On vante à tort la dissuasion (nucléaire) comme un moyen d’instiller la prudence dans les affaires internationales ; la modération et la prévisibilité, au contraire de la politique de corde raide, sont supposées être la règle de conduite de chacun. Et pourtant les actes d’escalade se sont accumulés dans cette crise - comme d’ailleurs dans d’autres crises du passé. Vu cette tendance apparemment incontrôlable à la surenchère, vu la menace mondiale que représente la guerre nucléaire, c’est le comble de l’imprudence que celle-ci puisse constituer le dernier échelon de l’escalade."

Cette mise en garde et l’appel qui la conclut : "nous vous demandons instamment de faire de cette crise l’occasion de vivre dans un monde libéré des armes nucléaires, en la traitant en termes strictement non nucléaires", s’adressent aux dirigeants de tous les États impliqués dans la crise, particulièrement aux dirigeants de puissances nucléaires comme la France.

Jean-Marie Matagne, ACDN (Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire)

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