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Un nouveau décret d’indemnisation des victimes des essais nucléaires

Publié le 17 septembre 2014

Papeete/Lyon, le 17 septembre 2014

Le nouveau décret relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français vient d’être publié au Journal officiel du 17 septembre 2014 (ci-joint en pièce attachée). Ce texte vient en application d’un amendement à la loi de programmation militaire déposé par la sénatrice Corinne Bouchoux et adopté le 18 décembre 2013.

La principale mesure de ce décret concerne les modalités de fonctionnement du Comité d’indemnisation qui devient une autorité administrative indépendante du ministère de la défense, modalité demandée par les parlementaires et les associations depuis le dépôt de la première proposition de loi de 2002. Le processus de suivi de la loi, auparavant dévolu au ministre de la défense, sera désormais de la responsabilité du ministre de la santé qui présidera les séances de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.

Certaines mesures préconisées par ce nouveau décret appellent les remarques suivantes :
• La délimitation de la zone géographique saharienne n’a pas été modifiée malgré les informations sur l’étendue des retombées radioactives découvertes dans les documents sur les essais aériens au Sahara récemment déclassifiés. Il faut donc prévoir que les victimes des essais nucléaires français au Sahara n’auront guère de moyens pour faire reconnaître leurs droits à indemnisation.
• Il faut regretter que le décret maintienne le principal obstacle aux indemnisations consistant à considérer l’exposition aux rayonnements ionisants comme un risque négligeable. Rappelons que les tribunaux administratifs ont contesté la plupart des rejets de dossiers d’indemnisation par le ministre de la défense en arguant que ce dernier n’apportait pas la preuve de ce risque négligeable.
• Le nouveau décret porte atteinte à l’indépendance, pourtant acquise, du Comité d’indemnisation en lui demandant de s’appuyer sur « les méthodologies recommandées par l’agence internationale de l’énergie atomique » pour examiner les demandes d’indemnisation. Ces méthodologies destinées à établir des statistiques sur de grands nombres ont été à la base de plus de 90 % des rejets de dossiers par le précédent Comité d’indemnisation. Elles remettent en cause le principe de présomption recommandé par les parlementaires et les associations depuis 2002, principe qui est à la base de la législation française des maladies professionnelles et qui est également appliquée par la législation américaine.
• Le nouveau décret offre la possibilité à chaque demandeur de défendre lui-même, ou par son représentant, son dossier devant le Comité d’indemnisation. Cette mesure positive restera purement symbolique pour la plupart des demandeurs, notamment polynésiens ou algériens, puisque le décret prévoit que les frais de déplacement seront à la charge du demandeur.
• Le nouveau décret reproduit telle quelle la dernière liste des maladies radio-induites, notamment le cancer de la thyroïde « pour une exposition pendant la période de croissance ». Lors des précédentes commissions de suivi des conséquences des essais nucléaires, les associations avaient fait remarquer que des adultes, anciens militaires, avaient été indemnisés pour un cancer de la thyroïde par le tribunal des pensions militaires et qu’il conviendrait donc de supprimer la période d’exposition. De plus, d’autres pathologies non cancéreuses auraient pu être introduites dans la liste en se conformant aux études internationales de l’UNSCEAR démontrant le rôle des radiations ionisantes dans le développement des pathologies cardio-vasculaires, des atteintes au système immunitaire et des risques génétiques.
• Concernant la commission consultative de suivi, l’association Moruroa e tatou de Polynésie avait demandé la possibilité de désigner un suppléant ou un remplaçant en cas d’empêchement de son représentant. Le nouveau décret ne tient pas compte de cette demande qui, espérons-le, pourrait être traitée à l’amiable avec le ministère de la santé.

Le décret est applicable dès le 18 septembre 2014, mais il reste à attendre la désignation du Président, la composition et la réorganisation du Comité d’indemnisation. Les associations qui ont écrit à Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, sont en attente de la convocation de la prochaine réunion de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires où les remarques soulevées ci-dessus seront probablement abordées.

Moruroa e tatou & Observatoire des armements

Pour tout contact : Bruno Barrillot, 06 25 87 35 80