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Des avions chinois vont se joindre aux frappes aériennes russes en Syrie, et la Russie obtient une base aérienne en Irak.

Publié le 6 octobre 2015

L’intervention militaire russe en Syrie s’étend dans deux directions.

Selon des sources militaires et du renseignement de debkafile, la Chine a informé Moscou vendredi 2 octobre que des bombardiers J-15 vont s’associer sous peu à la campagne aérienne lancée par la Russie le 30 septembre. Bagdad a par ailleurs offert à Moscou d’utiliser une base aérienne irakienne pour bombarder l’Etat islamique, qui occupe maintenant de larges portions du territoire irakien.

L’intervention militaire de la Russie en Syrie compte à présent cinq participants de plus : la Chine, l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Hezbollah.

Les avions chinois J-15 décolleront du porte-avions chinois Liaoning-CV-16, qui a atteint les côtes syriennes le 26 septembre (comme debkafile l’avait annoncé en exclusivité à l’époque) [après avoir signalé leur passage par le canal de Suez - NDT]. Ce sera pour Pékin un événement marquant : sa première opération militaire au Moyen-Orient, ainsi que le baptême du feu pour son navire, dans des conditions de combat réel.

Jeudi soir, le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, a fait sur la crise syrienne, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU à New York, le commentaire suivant : "Le monde ne peut pas se permettre de rester l’arme au pied, mais ne peut pas non plus interférer arbitrairement (dans la crise)."

Un développement non moins important est survenu à peu près au même moment, lorsque le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, parlant dans le programme d’information "NewsHour" de PBS [Public Broadcasting Service, un réseau de 350 stations de télévision publiques aux Etats-Unis - NDT], a déclaré qu’il accueillerait volontiers un déploiement de militaires russes en Irak pour leur permettre de combattre les forces d’ISIS [l’Etat islamique, ou DAECH] aussi dans son propre pays. Il fit valoir, comme un motif supplémentaire, que cela offrirait à Moscou l’occasion de s’occuper des quelque 2500 musulmans tchètchènes qui, selon lui, combattent en Irak aux côtés d’ISIS.

Les sources militaires de debkafile ajoutent que les paroles d’Al-Abadi s’inscrivaient dans le contexte de deux événements étroitement liés au rôle en expansion de la Russie sur le terrain de la guerre :

1. Un centre de commandement commun russe, iranien, syrien et irakien a commencé à travailler la semaine dernière à Bagdad, non loin du ministère de la défense et des quartiers généraux de l’armée irakienne, afin de coordonner le passage des ponts aériens russe et iranien vers la Syrie, ainsi que les raids aériens russes. Ce centre de commandement organise également le transfert de forces iraniennes et chiites pro-iraniennes vers la Syrie.

2. Bagdad et Moscou viennent de conclure un accord permettant à l’aviation militaire russe de commencer à utiliser la base Al Taqaddum d’Habbaniyah, située à 74 km à l’ouest de Bagdad, aussi bien comme escale dans le corridor aérien russe vers la Syrie que comme base de départ des missions de bombardement contre les forces d’ISIS et comme élément d’infrastructure au nord de l’Irak et de la Syrie.

La Russie a ainsi obtenu une enclave militaire en Irak, tout comme en Syrie, où elle a acquis une base près de Lattaquié, sur la côte ouest de la Syrie. En même temps, la base de Habbaniyah sert aussi aux forces US opérant in Irak, dont le nombre est estimé à 5000 militaires.

Source
Traduction française exclusive : ACDN.

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Commentaire d’ACDN

Cette situation politico-militaire, tout à fait inédite depuis la fin de la 2e Guerre mondiale, multiplie les paradoxes et crée un imbroglio lourd de risques de dérapages et de confrontations. Ainsi,

- Les forces américaines et russes, qui se font face aux frontières de la Russie dans les pays d’Europe orientale membres de l’OTAN, et qui s’affrontent par ukrainiens interposés, vont devoir partager, au sol, une base irakienne, et mener dans les airs des missions de bombardement censées avoir un même objectif -vaincre ISIS ou DAECH- mais en fait fort différentes, la Russie, comme l’Iran, visant surtout à soutenir le régime de Bachar El Assad.

- La coalition quadripartite Russie-Iran-Irak-Syrie dépossède la coalition occidentale de son monopole politico-moral sur le traitement de la crise initiée par DAECH. Elle renforce le régime syrien, dont on sait qu’il a peu à envier au régime de DAECH en matière d’horreurs. Elle fait aussi la part belle aux chiites, ce qui ne sera pas pour plaire aux monarchies du Golfe ni aux sunnites irakiens.

- La Chine, dont Poutine s’est rapproché en raison notamment de la crise ukrainienne qu’il a lui-même initiée (en réaction, il est vrai, à l’encerclement et au traitement cavalier dont la Russie avait fait l’objet de la part de l’OTAN), en profite pour faire une entrée fracassante en Méditerranée, via le canal de Suez, affirmant ainsi son rôle planétaire. C’est peut-être le fait le plus important pour l’avenir.

- La France, qui pour une fois défendait une position politique moralement cohérente - ni DAECH, ni Bachar - persiste à la défendre, mais risque de se retrouver bien seule.

- Les incidents aériens, dont un a déjà eu lieu par l’intrusion d’un avion russe dans le ciel turc, risquent de se multiplier et d’accroître les tensions entre "alliés ennemis".

- Le "problème kurde" n’est pas prêt de trouver sa solution. La "question israélo-palestinienne" non plus.

- La poudrière moyen-orientale va connaître une fois de plus une accumulation d’armes et de systèmes d’armes qui feront le bonheur des marchands de mort, mais pas forcément celui des "indigènes".

- Ce n’est pas demain la veille que le flot de réfugiés et d’immigrants va se tarir.

Ainsi DAECH, par ses actions monstrueuses, a réussi ce tour de force de faire contre lui l’union de carpes et de lapins qui se donnent une apparence vertueuse, mais dont chacune et chacun poursuit ses propres objectifs, sans aucun rapport avec la recherche de la paix ni le rétablissement des droits fondamentaux de la personne humaine.

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