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L’armée et le lobby nucléaire s’attaquent à l’école

Publié le 11 novembre 2015

Communiqué d’ACDN, le 11 novembre 2015,

Les chefs d’établissement de l’Académie de Poitiers viennent de recevoir l’invitation suivante à destination de « Tout personnel de l’Enseignement public et privé », précédée de quatre logos : au-dessous du logo d’un certain "Trinôme Académique" sous-titré "Synergie citoyenne", ceux de l’Académie de Poitiers, du Ministère de la Défense, et de l’IHEDN :

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

JOURNÉE ACADÉMIQUE « ENSEIGNER LA DEFENSE »
- Défense et sécurité civiles
- Date : mardi 26 janvier 2016
- Lieu : Centrale nucléaire de Civaux et Ecole du feu du SDIS à Valdivienne
- Public : Tout personnel de l’Enseignement public et privé
- Organisateur : le Trinôme académique Poitou-Charentes

Programme :
• 8 h 45 accueil
• 9 h à 10 h présentation de la centrale préparatoire à la visite
• 10 h à 11 h visite du bâtiment de surveillance et du simulateur de conduite par un groupe de 24 personnes
• 11 h à 12 h visite identique par un autre groupe de 24 personnes
• 10 h à 11 h et 11 h à 12 h pendant chaque visite d’un groupe, l’autre groupe bénéficiera de la même intervention sur le thème de la sûreté et de la sécurité dans une centrale nucléaire, en interne et dans le territoire proche, de façon que les enseignants puissent intégrer une telle étude de cas dans leurs enseignements en collèges et en lycées.
• Pause déjeuner sur place 12 h 30 – 13 h 30
• 14 h 30 intervention sur le SDIS* et la centrale
• 15 h 30 présentation de la formation dispensée à l’école du SDIS
• 16 h 30 exemple pratique d’intervention sur un caisson feu.

Le « Trinôme », cette mystérieuse bestiole chargée d’inoculer la « synergie citoyenne » à nos enfants et par la même occasion, le poison nucléaire, est apparemment tricéphale. Mais entre l’Académie de Poitiers et l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN), la tête principale se situe clairement au ministère de la Défense. Les enseignants (limités à 48 pour cette première fournée) pourront « intégrer dans leurs enseignements en collèges et en lycées », sur le cas de Civaux, la preuve que les centrales nucléaires sont des hâvres « de sûreté et de sécurité ». Une chance, car si l’armée s’en occupe, et pas seulement les pompiers, c’est sans doute qu’elles sont devenues des bombes radiologiques, prêtes à exploser sous l’effet d’un attentat ou d’un fâcheux « incident ». Parents, enfants, dormez tranquilles. On s’occupe de vous.


* SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours.

On notera que le SDIS 86 (Vienne) et son école de formation ne se situent pas à Poitiers, mais à proximité immédiate de la centrale nucléaire de Civaux.

L’incendie est un événement redouté dans une centrale. Celle de Civaux a connu un départ d’incendie le 23 avril 2014, celle de Paluel (Normandie) dans la nuit du 2 au 3 juillet 2015, un incendie que 70 pompiers ont mis plusieurs heures à maîtriser.

Mais les incendies sont loin d’être les seuls "incidents" que connaît une centrale.

A Civaux, les pompiers sont à nouveau intervenus le 1er décembre 2014, pour une fausse alerte : une alarme incendie s’était déclenchée dans un local industriel du réacteur n° 1. Après examen visuel et à la caméra thermique, aucun feu ne fut décelé. Le déclenchement était dû, d’après la direction, à une résistance un peu poussiéreuse dans l’appareil de surveillance. Elle avait chauffé et émis de la fumée lors de la remise en route du réacteur n° 1.

Il faut dire que celui-ci avait été mis à l’arrêt du 13 juillet au 3 novembre 2014 pour des travaux de maintenance sur le circuit d’alimentation de secours en eau des générateurs de vapeur. Ce circuit est censé fournir, en cas de défaillance de l’alimentation principale, l’eau nécessaire au refroidissement du réacteur. Il est également utilisé lors des périodes d’arrêt et de redémarrage du réacteur.

La requalification de ce matériel se fait par étapes, pour accompagner le réacteur pendant sa montée en puissance. Mais le 19 novembre, l’ultime essai n’avait pas eu lieu alors qu’il aurait dû avoir été réalisé normalement au plus tôt lorsque le réacteur monte en puissance. Le lendemain, jeudi 20 novembre, le dysfonctionnement d’une vanne de ce circuit - censé avoir été réparé - obligeait les équipes de la centrale à arrêter le réacteur n°1.

Après de nouveaux travaux, un dernier essai permettait de requalifier le système d’alimentation de secours en eau des générateurs de vapeur. Le 25 novembre, la direction de la centrale se décidait à déclarer l’incident à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, qui le classait au niveau 1 (sur 7) de l’échelle INES et adressait à la direction un avertissement.

La centrale de Civaux est "la plus jeune" et "la plus moderne" des centrales françaises. Son implantation au bord de la rivière Vienne, qui lui fournit l’eau de refroidissement, a été décidée en 1980. Le premier béton a été coulé en 1988. Le réacteur n° 1 (première des deux "tranches") a été couplé au réseau électrique en 1997. Dès 1998, un incident de niveau 2 intervenait sur le circuit RRA (Refroidissement du Réacteur à l’Arrêt) du réacteur, heureusement sans conséquence sur l’environnement.

Il n’en va pas de même en janvier 2012, quand une fuite de tritium contamine la nappe phréatique. Le 3 janvier, un agent relève la présence d’une quantité anormalement élevée de tritium dans un bac de rétention d’effluents. L’échantillon prélevé le 4 est analysé le 9. Dès le lendemain, les résultats laissent apparaître une forte concentration de tritium dans la nappe phréatique, de l’ordre de 540 Bq/l contre une valeur de 8 Bq/l attendue. Mais, dans l’attente de la confirmation, intervenue le 13 janvier, « aucune alerte interne à la centrale ou information à la hiérarchie n’a été effectuée ». Enfin alertée, l’Autorité de Sûreté Nucléaire dépêche des inspecteurs et publie sur son site, le 23 janvier, un rapport accablant pour la direction de la centrale. Aujourd’hui, ce rapport a disparu du site de l’ASN.

Le 21 avril 2015, la Commission Locale d’Information (CLI), qui se réunit deux fois par an pour faire le point sur l’état de santé de la centrale, notait un bilan plus que mitigé de la part de l’ASN, avec 40 incidents marquants enregistrés pour la seule année 2013. La commission accueillait cette fois-ci une délégation de Japonais qui, depuis la catastrophe de Fukushima, "réfléchissent à de nouvelles façons d’informer le public dans leur pays" - ou si l’on préfère, de le désinformer, car le public japonais, depuis la catastrophe, résiste obstinément à la réouverture des réacteurs. Ainsi, seuls 2 des 54 réacteurs détruits ou fermés après le 11 mars 2011 ont été remis en service. Il est vrai qu’au Japon, les décisions d’arrêt, d’ouverture ou de réouverture de réacteurs sont prises par les préfets, lesquels sont élus par la population et non pas désignés par le pouvoir central comme en France, où ils ne font qu’exécuter les ordres de Paris.

Aujourd’hui, on voit que les ordres de Paris viennent déjà prioritairement du ministère de la Défense : en prévision du jour où un accident majeur se produira en France. Ce jour-là, il est prévu que l’armée, et non pas la police, prenne les choses en mains. On peut raisonnablement penser que l’Intérieur et la Défense ont d’ores et déjà partagé leurs listes de citoyens dangereux, c’est-à-dire de militants antinucléaires capables, telle la CRIIRAD, de propager des informations exactes, donc susceptibles de "troubler l’ordre public". On n’attendra même pas l’heure du laitier pour venir les arrêter à leur domicile.

Sources : La Nouvelle République, Ouest France, FR3 Poitiers, EDF, ASN, Wikipedia.