Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan signent le traité sur les Forces Nucléaires Intermédiaires à la Maison Blanche le 8 décembre 1987.
Le 25 octobre 2018
Il y a plus de 30 ans, le Président Ronald Reagan et moi avons signé le Traité américano-soviétique sur l’élimination des missiles de portée intermédiaire et de courte portée. Pour la première fois dans l’histoire, deux catégories d’armes nucléaires allaient être éliminées et détruites.
C’était une première étape. Elle fut suivie en 1991 par le Traité de Réduction des Armes Stratégiques (traité START), que l’Union Soviétique signa avec le Président George W. Bush, puis par notre accord sur des coupes drastiques dans les armes nucléaires tactiques, et par le Nouveau Traité START, signé par les présidents de Russie et des Etats-Unis en 2010.
Il y a toujours bien trop d’armes nucléaires dans le monde, mais les arsenaux américains et russes ne sont plus qu’une fraction de ce qu’ils étaient au cours de la Guerre Froide. A la Conférence d’Examen du Traité de Non-Prolifération nucléaire de 2015, la Russie et les Etats-Unis ont déclaré à la communauté internationale que 85 % de ces arsenaux avaient été retirés du service et, pour la plupart, détruits.
Aujourd’hui, cette réalisation considérable, dont nos deux nations peuvent être légitimement fières, est en péril. Le Président Trump a annoncé la semaine dernière que les Etats-Unis vont se retirer du Traité sur les Forces Nucléaires Intermédiaires et que son pays a l’intention de développer de nouvelles armes nucléaires.
On me demande si je suis amer d’assister à la disparition de ce que j’ai si durement travaillé à accomplir. Mais ce n’est pas à mes yeux une affaire personnelle. Ce qui se joue là est d’une tout autre ampleur.
Une nouvelle course à l’armement nous a été annoncée. Le Traité sur les FNI n’est pas la première victime de la militarisation des affaires du monde. En 2002, les Etats-Unis se sont retirés du Traité ABM sur les missiles balistiques ; cette année, ils se sont retirés de l’Accord sur l’Iran. Les dépenses militaires ont atteint des niveaux astronomiques et ne cessent d’augmenter.
Pour justifier leur retrait du Traité FNI, les Etats-Unis ont invoqué des violations supposées de certaines dispositions du traité par la Russie. Celle-ci a élevé des reproches similaires quant au respect du traité par les Américains, tout en proposant de discuter de ces questions autour d’une table de négociation, afin de leur trouver une solution mutuellement acceptable. Mais au cours des dernières années, les Etats-Unis ont esquivé la discussion. Je pense que la raison en apparaît clairement aujourd’hui.
Avec une volonté politique suffisante, tous les problèmes de conformité aux traités existants pourraient être résolus. Mais comme on l’a vu au cours des deux dernières années, le président des Etats-Unis a en tête un tout autre dessein. Il s’agit d’affranchir les Etats-Unis de toute obligation, de toute contrainte, et pas seulement par rapport aux missiles nucléaires.
Les Etats-Unis ont, de fait, pris l’initiative de détruire tout le système de traités internationaux et d’accords ayant servi de fondement à la paix et à la sécurité depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Je n’en reste pas moins convaincu que ceux qui espèrent tirer profit d’un "chacun pour soi", d’une mêlée générale, se trompent lourdement. Il n’y aura aucun vainqueur dans une "guerre de tous contre tous" - particulièrement si elle aboutit à une guerre nucléaire. Et c’est une éventualité qui ne peut être exclue. Une course aux armements acharnée, des tensions internationales, une hostilité et une défiance universelles ne feront qu’accroître ce risque.
Est-il trop tard pour revenir au dialogue et aux négociations ? Je ne veux pas perdre cet espoir. J’espère que la Russie adoptera une position ferme mais équilibrée. J’espère que les alliés de l’Amérique, après mûre réflexion, refuseront de devenir les rampes de lancement de nouveaux missiles américains. J’espère que les Nations Unies, et en particulier les membres du Conseil de sécurité investis par la Charte des Nations Unies de la responsabilité première de maintenir la paix et la sécurité internationales, agiront de façon responsable.
Confrontés à cette menace désastreuse contre la paix, nous ne sommes pas dépourvus de moyens. Nous ne devons pas nous résigner, nous ne devons pas capituler.
Article traduit du russe en anglais par Pavel Palachtchenko et de l’anglais en français par Jean-Marie Matagne.
Source : New York Times
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Lettre ouverte à Madame de Sarnez, Présidente de la commission des Affaires étrangères de l´Assemblée nationale
Lettre au Président Macron, à propos du Forum de Paris sur la Paix et du désarmement