Messeigneurs,
Le 14 mars 2013, au lendemain de l’élection du pape François, je vous ai écrit et adressé par courriel une lettre ouverte sur « L’Eglise et l’abolition des armes nucléaires », publiée sur le site de notre association sous le titre « Le pape des pauvres et de la paix ? »
Il y était notamment dit :
« L’Eglise de France porte une grave responsabilité dans le fait que notre pays refuse toujours de négocier avec les autres Etats concernés l’élimination de leurs arsenaux nucléaires, y compris le sien, alors que le droit international, notamment l’article 6 du Traité de Non-Prolifération, leur en fait une stricte obligation. Sans parler de la morale, bien entendu. Tout récemment encore, les 4 et 5 mars 2013, la France a refusé de participer à la Conférence d’Oslo, où plus de 130 Etats dont 35 pays européens ont examiné « l’impact humanitaire des armes nucléaires » et conclu à l’urgente nécessité de les éliminer.
« Ne serait-il pas temps, Messeigneurs, que l’Eglise de France, assumant son magistère spirituel, prenne clairement position pour l’abolition des armes nucléaires, même françaises, et pour le transfert à des fins humanistes des sommes et des ressources dépensées pour cet emploi aussi absurde que criminel ? N’attendez donc pas d’y être incités par François 1er.
« Examinez, je vous prie, les arguments exposés dans la lettre ouverte au Président de la République. Si vous les trouvez justes, ayez la bonté de lui écrire à votre tour et d’inviter vos fidèles à en faire autant… »
Mis à part la position prise par trois d’entre vous, qui avaient déjà signé cette lettre et apporté leur soutien personnel à un jeûne d’interpellation que j’avais effectué du 15 mai au 26 juin 2012, cette requête est restée sans réponse. Vingt mois plus tard, elle est toujours, hélas, d’actualité : concernant la France et les armes nucléaires, les choses n’ont pas bougé d’un iota.
D’une part, en effet, la France n’a pas participé à la 2e « Conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires » qui s’est tenue en février 2014 à Nayarit (Mexique) ; elle a même encouragé les diplomaties des autres Etats nucléaires à ne pas s’y rendre. Elle poursuit la modernisation de ses armes nucléaires. Et en ce 20 novembre 2014, elle n’a toujours pas fait savoir si elle allait participer à la 3e Conférence du même type qui se tiendra les 8 et 9 décembre prochains à Vienne (Autriche).
D’autre part, l’Eglise de France, en tant que telle, est demeurée silencieuse sur le sujet.
L’occasion s’offre à vous, Messeigneurs, de rompre ce silence. Sans doute devriez-vous dire publiquement que les armes nucléaires sont des armes de crimes contre l’humanité, que leur fabrication, leur stockage, la menace de les employer, sont, du point de vue de la conscience chrétienne comme de la conscience humaine universelle, aussi intolérables que leur emploi effectif, puisqu’elles préparent cet emploi, le rendent possible et risquent de le provoquer, y compris par accident. Que la politique dite « de dissuasion nucléaire » encourage leur prolifération. Qu’il y a un devoir impératif d’en proclamer l’interdiction universelle, à l’instar des autres armes de destruction massive et de massacre que sont les armes chimiques et bactériologiques. Qu’il y a urgence à en débarrasser la planète. Bref, que les pays qui en sont dotés doivent tous sans exception, y compris par conséquent le nôtre, procéder dans les meilleurs délais à l’élimination intégrale et définitive, planifiée et contrôlée, des quelque 16 300 armes nucléaires qui menacent encore l’humanité.
Sans en préjuger, c’est, selon toute vraisemblance, ce que Sa Sainteté le pape François dira dans le message qu’il a prévu de faire lire, lors de la cérémonie d’ouverture de la Conférence de Vienne, par Mgr Silvano Mario Tomasi, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations-Unies à Genève. Pourquoi ne le diriez-vous pas vous-même au nom de l’Eglise de France ? Cela aurait un grand retentissement, en France et à l’étranger. Ce serait votre contribution à l’abolition des armes nucléaires.
Cependant, si vous ne souhaitez pas prendre, avant d’en avoir débattu dans vos instances décisionnelles, cette position de fond au demeurant conforme aux exigences de l’Evangile et à la doctrine constante de l’Eglise universelle, il vous reste un moyen, ou plutôt deux, de contribuer efficacement à faire progresser le désarmement nucléaire dans le monde.
Vous pouvez collectivement, au nom de l’Eglise de France, écrire au président de la République ou publier un communiqué invitant la France à honorer de sa présence, comme le fait le Saint Siège, la Conférence de Vienne sur « l’impact humanitaire des armes nucléaires » (c’est-à-dire leurs effets catastrophiques et criminels sur l’humanité).
Et vous pouvez, sans attendre, faire au président de la République la même demande à titre personnel, en signant la lettre à François Hollande qui lui sera transmise lundi 24 novembre par une délégation d’ICAN-France, avec la liste de ses signataires - qui sont déjà plus de 5000 et seraient certainement heureux de vous découvrir parmi eux.
« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ».
Saintes, le 20 novembre 2014 (Par courriel)
Jean-Marie Matagne
Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
Docteur en philosophie
Liens :
Lettre ouverte au Président de la République
Sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires
Lettre ouverte à François Hollande
Sur la participation de la France à la Conférence de Vienne
Impact humanitaire des armes nucléaires : la France ira-t-elle discuter à Vienne ?