Saintes, le 12 juillet 2012
Monsieur le Chef de Cabinet,
J’ai bien reçu votre lettre du 4 juillet 2012 et vous en remercie.
Dans cette lettre vous m’indiquez que mes « récentes correspondances sont bien parvenues au Président de la République », qu’il vous a « confié le soin de (me) répondre », et vous me renvoyez au secrétariat « du Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie » qui me tiendra « informé de la suite utile qui pourra être réservée à (ma) demande ».
Toutefois, malgré tout le respect que je lui porte, je n’ai pas l’impression que Madame Delphine Batho, actuelle Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, pas plus que Madame Nicole Brick avant d’être privée de ce Ministère pour son opposition aux intérêts pétroliers de la Compagnie Shell, ait en charge de gérer l’agenda du Président de la République. Cette tâche ne fait-elle pas plutôt partie de vos attributions ?
La demande adressée au nouveau Président de la République, M. François Hollande, dès le 7 mai 2012, au nom de l’association que je préside, concernait une entrevue avec lui, et ma dernière correspondance en date du 16 juin était tout à fait explicite à cet égard. Permettez-moi d’en citer les passages qui semblent vous avoir échappé, ainsi qu’à Monsieur le Président :
« Je souhaite vous rencontrer parce que vous êtes le président de tous les Français, et si vous êtes accessible aux enfants des écoles maternelles comme aux ouvriers menacés de chômage, vous devez pouvoir l’être également à un citoyen qui étudie la question du désarmement nucléaire et travaille à sa promotion depuis plus d’un quart de siècle. »
« Je souhaite vous rencontrer personnellement parce que, même si je serais heureux de pouvoir rencontrer Messieurs les Ministres de la Défense et des Affaires étrangères, particulièrement concernés par le sujet, chacun sait que, dans la Ve République, c’est le Président qui fixe la ligne générale en ces domaines. »
Or, au moment même où vous m’adressiez votre réponse sur demande du Président de la République, celui-ci se trouvait à bord du SNLE-NG Le Terrible et confirmait sa volonté de maintenir dans son intégralité la force de dissuasion nucléaire française, tandis que le Ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, en faisait autant à la base des SNLE de l’Ile Longue. La ligne était donc fixée.
Qui plus est, la veille, M. Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre, avait déclaré dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale : « Pour préparer l’avenir, un livre blanc de la défense et de la sécurité nationale sera élaboré pour la fin de cette année et présenté à votre Assemblée dès l’année 2013, au début, avec une loi de programmati on militaire qui suivra. Les choix qui s’imposeront se feront dans la transparence et la cohérence, dans le cadre d’un grand débat ouvert et démocratique d’abord qui associera la représentation nationale. Mais ces choix ont un objectif, une priorité, c’est assurer les conditions de notre indépendance. Notre force de dissuasion -garantie essentielle de notre sécurité - sera maintenue. »
Ceci après avoir affirmé : « Il est fini... le temps où la concertation n’était conçue que pour donner l’apparence du dialogue social à la décision d’un seul. (...) Oui, nous voulons donner toutes ses chances à la démocratie (...) Je crois profondément que les Françaises et les Français veulent être traités en adultes. »
En tant qu’adulte, donc, je constate que le « grand débat ouvert et démocratique » pourra bien porter sur la politique de défense, mais pas sur son postulat fondamental : « Notre force de dissuasion (nucléaire) sera maintenue », car c’est une « garantie essentielle de notre sécurité ». Ce postulat, qui n’a jamais été démontré et ne le sera jamais pour la bonne raison qu’il est possible d’en démontrer l’inanité, relève, lui, du « choix d’un seul » : celui du Président de la République.
Il est donc parfaitement clair que le Président n’envisage même pas, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse méritant considération, l’éventualité d’un référendum qui permettrait aux Français de s’emparer du sujet et de dire si, oui ou non, ils souhaitent continuer à financer leur prétendue défense par la préparation de crimes contre l’humanité au moyen d’armes nucléaires.
Par acquit de conscience, j’ai téléphoné ce 12 juillet au numéro que vous m’avez indiqué comme étant celui du secrétariat de Madame la Ministre de l’Ecologie, secrétariat censé me tenir « informé de la suite utile qui pourra être réservée à (ma) demande ». Une jeune femme prénommée Joëlle, qui s’est présentée comme l’une des quatre secrétaires de Madame la Ministre mais qui a refusé de m’indiquer son nom de famille (ce doit être un secret d’Etat, de même que sont secrets le numéro de téléphone et l’adresse courriel de votre Cabinet, ce qui m’obligera à vous expédier cette lettre demain par la poste et vous en fera connaître la teneur après tout le monde), m’a fait savoir qu’elle ignorait tout de cette affaire.
Dans ces conditions, vous comprendrez, Monsieur le chef de Cabinet, que je ne sois plus demandeur d’aucune entrevue, ni avec Monsieur le Président de la République, ni avec Monsieur le Premier ministre, ni enfin avec aucun de leurs Ministres, puisqu’ils sont tous chargés de mettre en musique la partition dont le Président a déjà dicté le thème mélodique.
Le 25 juin dernier, j’étais venu à l’Elysée avec mon collègue Luc Dazy, le ventre vide, certes, mais porteur de cinq dossiers conséquents et similaires, destinés respectivement à Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Défense, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et Monsieur le Ministre de l’Education Nationale (qui avait attiré votre attention ainsi que celle de votre homologue de Matignon sur ma lettre du 18 mai).
Si vous-même ou l’un de vos collaborateurs nous aviez reçus pour convenir d’une date d’entrevue avec le Président de la République, comme cela nous avait été annoncé par la Préfecture de La Rochelle, je comptais vous remettre ces dossiers à l’intention de leurs destinataires. Je n’ai même pas pu les laisser à la conciergerie de l’Elysée, puisque des policiers nous ont empêchés d’en approcher l’entrée. J’ai dû repartir chargé de mes dossiers mais délesté de mes dernières illusions, déjà bien maigres. Je n’en ai plus aucune sur la politique et les choix du successeur de M. Nicolas Sarkozy.
Je rencontrerai volontiers à titre privé les membres du gouvernement qui me feraient connaître, si c’était le cas, leur intérêt personnel pour une approche des questions de défense sortant des discours habituels, lesquels se perpétuent d’une majorité à l’autre. J’allais dire : d’une dictature à l’autre, car cette politique est bien dictatoriale. Tout esprit démocratique « normal » admettra que seul un dictateur puisse s’arroger le droit de décider, sans procès ni appel, la mort de millions de personnes.
J’écris en tout état de cause à Mme Cécile Duflot et M. Pascal Canfin, sachant que le Parti qu’ils représentent au gouvernement leur demande expressément, depuis le 24 juin dernier, « de tout mettre en oeuvre pour que soit mis à l’étude dans un délai rapproché un projet de loi ou une proposition de loi portant l’organisation d’un large débat et d’un référendum sur la question suivante : "Approuvez-vous que la France participe avec les autres Etats concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ?" ».
Je solliciterai à nouveau une audience auprès de Monsieur François Hollande le jour où il voudra bien me faire savoir que la question du référendum est devenue d’actualité. En attendant, il n’est plus pour moi, comme dans la lettre ouverte datée du 10 juillet dont je vous prie de trouver un exemplaire ci-joint, que « François le Terrible », seul maître à bord de nos SNLE.
Veuillez agréer, Monsieur le chef de Cabinet, l’expression de ma considération distinguée.
Jean-Marie Matagne
Docteur d’Etat en Philosophie
Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
31, Rue du Cormier
17100 - Saintes - FRANCE
Tel : 06 73 50 76 61
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A M. Pierre Besnard
Chef de Cabinet du Président de la République
Palais de l’Elysée
55 Rue du Faubourg St Honoré
75008 - Paris