"Présidentielle : voici venu le temps des assassins." Tel était le titre de l’article publié sur le site d’ACDN le 5 avril 2012, peu après les crimes de Mohamed Merah à Toulouse et Montauban.
Près de dix ans et deux mandatures plus tard, il n’y a rien à y changer, hélas, à part le nom des postulants à la présidence de la République et au PC Jupiter.
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Publié le 5 avril 2012, republié le 20 décembre 2021
La France entière s’est levée contre les sept odieux assassinats commis par Mohamed Merah. Mais supposez que Merah ait préféré, encore plus froidement, se porter candidat à la présidence de la République, et qu’il ait obtenu ses 500 "parrainages" : le Conseil constitutionnel aurait validé sa candidature, lui permettant, une fois élu, de multiplier ses victimes par millions. Car la plus petite de nos bombes atomiques est sept à huit fois plus puissante que celle d’Hiroshima, qui fit plus de 200 000 morts ; bien ciblée, elle peut tuer un million et demi de personnes. Les 300 "têtes nucléaires" françaises peuvent faire un milliard de morts.
Supposition absurde, direz-vous : jamais quelqu’un capable de commettre de tels crimes contre l’humanité n’aurait obtenu 500 parrainages de maires et autres élus de la République.
Eh bien, si. Car celui qui détient le code de notre arsenal nucléaire peut décider seul, "dans le secret de sa conscience", de s’en servir contre une population quelconque. Il est même le seul à pouvoir le faire : une « prérogative » exorbitante que François Hollande « revendique » et « assume pleinement ». Tout comme Nicolas Sarkozy, pour qui « la dissuasion reste pour la France un impératif absolu ; la dissuasion nucléaire est pour nous l’assurance-vie de la Nation » Or, chacun d’eux a obtenu bien plus de 500 "présentations". Sans qu’aucun de leurs "parrains" ne s’inquiète du risque de les voir un jour "appuyer sur le bouton nucléaire".
Supposition absurde, direz-vous à nouveau : le risque n’existe pas, puisque l’arme nucléaire n’est pas faite pour être utilisée, mais seulement pour dissuader un ennemi de nous attaquer.
Eh bien, si, le risque existe. Il est même obligatoire : pour dissuader, l’arme doit pouvoir être réellement utilisée. Celui qui tient le discours de la "dissuasion nucléaire" le sait ; il sait aussi que l’effet dissuasif n’est jamais garanti puisqu’il dépend de la perception, des calculs, des moyens de rétorsion et de la volonté de l’ennemi. Ainsi, le chef de l’Etat ou le candidat à la présidence de la République qui approuve l’existence de l’arsenal nucléaire français et se dit prêt à l’utiliser au titre de la dissuasion doit bel et bien se préparer à le faire pour de bon.
Il s’y prépare, direz-vous, mais il ne le fera pas. MM. Sarkozy et Hollande ne sont pas des "fous de Dieu", mais des humanistes, respectueux de nos valeurs. Ils n’appuieront pas sur le bouton. Ils font juste semblant aujourd’hui, pour ne pas avoir à le faire demain.
Vraiment ? Alors, de deux choses l’une. Ou bien nos présidentiables racontent n’importe quoi, ils ne font que bluffer, et un ennemi par hypothèse puissant, résolu, agressif, "féroce" même, et doté, qui plus est, d’armes nucléaires, ne se laissera pas intimider. Il viendra "mugir dans nos campagnes" et nous n’aurons plus qu’à capituler, comme s’y était d’ailleurs résigné par avance, non sans quelque bon sens, le président Giscard d’Estaing, au temps de la guerre froide. Ou bien leur "posture" est à prendre au sérieux, et ils feront comme fit en août 1945 le très chrétien président Truman, qui savait pourtant depuis le 13 juillet que le Japon voulait capituler : ils utiliseront leurs armes nucléaires. Elles sont là, elles coûtent cher, on s’en sert. Nom d’un grand Chef !
La supposition reste absurde, direz-vous depuis la dernière casemate de notre ligne Maginot à 300 milliards d’Euros : gardien des institutions et d’un peuple qui placent au-dessus de tout le respect des droits de l’Homme, dont le droit à la vie -au point d’avoir aboli la peine de mort-, jamais le Conseil constitutionnel, connaissant les intentions criminelles d’un Merah, ne lui permettrait d’accéder à la magistrature suprême. Il invaliderait forcément sa candidature.
Eh bien, pas du tout. D’abord, le Conseil ne saurait connaître des intentions cachées, pas plus que la police et les services de renseignement ne les ont, apparemment, décelées chez Merah avant qu’il ne passe à l’action. Pire : le Conseil constitutionnel a validé le 22 mars deux candidats qui se vantent de vouloir maintenir, moderniser, pérenniser les armes nucléaires françaises - et les utiliser s’ils le jugent nécessaire.
Le 19 mars, j’avais introduit une demande d’invalidation des candidatures de MM. Nicolas Sarkozy et François Hollande, « pour préparation de crime contre l’humanité, non respect des traités ratifiés par la France, non respect de la Constitution de la République Française ». Mais, censé examiner ma requête, le Conseil n’a pas eu un regard pour les traités, le droit humanitaire et les articles dûment cités de la Constitution française qui imposent de négocier l’abolition des armes nucléaires et qui condamnent tous la commission et la préparation d’un crime contre l’humanité.
Car enfin : « Des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d’autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces, n’est-ce pas ce qu’on appelle un crime contre l’humanité ? »
Telle était la question posée au général de Gaulle par Alain Peyrefitte le 4 mai 1962, à l’issue d’un Conseil des Ministres qui avait traité de la force de frappe. Que lui répond de Gaulle ? « Le Général lève les bras. Ce n’est pas son problème. » Saisi à son tour de la question, le Conseil constitutionnel, lui, a baissé les bras le 22 mars 2012. Que l’arme nucléaire, arme de crime contre l’humanité, soit contraire à la constitution, ce n’est pas son problème.
Voici donc venu le temps des assassins. Merah a ouvert la voie en modeste amateur. Maintenant, élisez qui vous voulez à l’Elysée, vous lui ouvrirez la voie du crime contre l’humanité, à l’échelle industrielle. Sans minute de silence pour protester dans les écoles.
Pourtant, selon deux sondages effectués à quatre ans d’intervalle par deux instituts très différents (WorldPublicOpinion, 2008 ; IFOP, 2012), plus de huit Français sur dix souhaitent l’abolition des armes nucléaires, y compris celles de la France. C’est sans doute pour cela que MM. Sarkozy et Hollande ne veulent en aucun cas soumettre la question à un référendum. Avec la bénédiction du Conseil constitutionnel, ils s’entendent comme larrons en foire pour nous imposer leur solution. Celle du crime organisé sous estampille démocratique.
Tellement énorme, tellement monstrueux, ce crime, que personne ou presque, dans les hautes sphères, ne semble vouloir y penser, et encore moins se dresser contre lui.
Jean-Marie Matagne
Docteur en philosophie
Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)
contact@acdn.net
www.tousalelysee.net
Addendum, décembre 2021 : D’après le dernier sondage de l’IFOP, qui date de mai 2018, les Français sont 85 % à vouloir que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, et presque autant à vouloir être consultés par référendum sur le sujet. Le gouffre démocratique entre la volonté du peuple français et la volonté de la quasi totalité des candidats à la présidence de la République et des parlementaires en place, à 5% près, lui non plus n’a pas changé. Raison pour laquelle je me présente à la présidentielle de 2022, avec les mêmes objectifs qu’en 2002. La France doit redevenir la patrie des droits de l’Homme, c’est aussi simple que ça. Y compris envers sa propre population. Vaste programme, tout de même.
Sondage IFOP-ACDN, mai 2018
Mes objectifs