Prévue depuis des mois, la création, à l’occasion de ce 2e Festival de Rhodes, d’un réseau antinucléaire civil et militaire méditerranéen ne pouvait mieux tomber.
Dans l’Antiquité, les cités grecques d’Asie mineure ou de la Grèce continentale avaient « cousu une bordure grecque » à la mer Méditerranée en envoyant marins, agriculteurs, commerçants et artisans fonder des comptoirs sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Marseille en est un exemple parmi d’autres. Fondée par des colons de Phocée, elle garde le fier souvenir de ses origines grecques en continuant de s’appeler « la cité phocéenne ».
Mais aujourd’hui, hélas, c’est un tout autre genre de bordure que le président de la France voudrait coudre à la Méditerranée : une bordure atomique. Ayant fait sienne l’excellente idée d’une Union méditerranéenne, il voudrait que cette Union en gestation devienne un marché réservé à l’exportation du savoir-faire français en matière nucléaire. A peine venait-il d’être élu qu’il préparait un voyage à Tripoli, où il a promis au colonel Kadhafi la fourniture d’une centrale nucléaire made in France, sous le prétexte spécieux de dessaler l’eau de mer. La pénurie d’eau douce a bon dos. Les bons offices de la France, payables en gaz ou en pétrole, s’étendent d’ailleurs à un secteur encore plus vital pour la population libyenne : la fourniture de nouveaux armements. Nucléaire et militaire, voilà qui va de pair.
L’ambition du président Sarkozy pour la Méditerranée ne s’arrête pas là : c’est à tous les pays des continents adjacents, Europe, Afrique, Asie, c’est au monde entier qu’il entend vendre la technologie nucléaire. Il vient de le répéter à New York, devant l’Assemblée générale de l’ONU : "La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile. Il n’y a pas une énergie de l’avenir pour les pays occidentaux et des pays d’Orient qui n’auraient pas le droit d’y avoir accès. C’est d’ailleurs la meilleure réponse à ceux qui veulent, en violation des traités, se doter de l’arme nucléaire... "
Le réseau antinucléaire méditerranéen qui se fonde aujourd’hui dans cette île et cette cité de Rhodes a donc du pain sur la planche. Il devra réfuter les sophismes par lesquels le lobby nucléaire tente de justifier, par la bouche du président français, la vente de technologies, de matériels et de matériaux mortifères, tout en feignant de croire que le chemin qui a mené de la bombe atomique aux centrales nucléaires cinq Etats, dont la France, puis qui en a mené d’autres, clandestinement, des réacteurs « civils » vers les armes, ne présenterait ce risque que pour l’Iran. Il devra montrer que ni la sécurité, ni le bien-être durable des pays riverains de la Méditerranée, comme d’ailleurs de tous les pays, ne passent par le nucléaire, qu’il soit civil ou militaire. Leur bien-être passe par le développement des énergies renouvelables, toutes issues de l’unique centrale thermonucléaire qui puisse assurer la vie sur terre : le soleil. Leur sécurité passe par la dénucléarisation de la région et de la planète, par exemple en faisant du Moyen-Orient et de l’Europe toute entière des zones sans armes nucléaires, à l’exemple de l’Afrique.
Refusant la scission entre civil et militaire, le réseau antinucléaire méditerranéen devra lutter conjointement contre ces deux aspects inséparables du péril nucléaire, et promouvoir les alternatives existantes.
Nous saluons cordialement les participants au 2e festival antinucléaire de Rhodes, souhaitons plein succès à leurs travaux fondateurs, et les invitons aux 3e Rencontres internationales pour le désarmement nucléaire, biologique et chimique (3e RID-NBC) qui auront lieu à Saintes (France) du 9 au 11 mai 2008. La réflexion y sera poursuivie sur ces questions vitales.
Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)