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Crime chimique contre l’humanité (1)
Ceux de Halabja
Par Jean-Marie Matagne


Publié le 29 août 2013

Le massacre chimique commis le 21 août dernier en Syrie nous remet en mémoire l’un de ses pires précédents, déjà perpétré au Moyen-Orient voici un quart de siècle, par un dictateur qui, à l’époque, comptait parmi les amis de la France et de l’Occident.

Le texte ci-dessous, inédit, est tiré de la thèse de philosophie que son auteur a soutenue en 1991 sous le titre "Le pouvoir et la puissance. Enquête sur l’idéologie et la pratique des rapports de puissance." Il faisait partie du 1er volume de cette thèse, intitulé : "De l’armement, de la paix et de la guerre".


(Ce texte a été écrit en mars 1988, peu après la diffusion des images du massacre. Un "scoop" américain dont la télévision française pouvait difficilement se priver. Honneur tout de même aux rédacteurs qui décidèrent d’en faire part aux téléspectateurs français, bien que le responsable du massacre fût "notre ami de Bagdad".) (1)

Quelques jours après que la revue Défense active ait confié au petit cercle de ses lecteurs les propos de M. Chirac exigeant que la France se dote d’armes chimiques, et comme pour illustrer la banalité de la guerre chimique implicitement admise dans ces propos, son "cher ami" Saddam Hussein utilise des gaz de combat. (2)

Ce n’est guère que la troisième fois avérée. La première lui avait valu, en mars 1986, une condamnation du Conseil de sécurité de l’ONU - condamnation purement verbale puisque dépourvue de toute sanction. La fois suivante, en mai 87, la réaction avait été encore plus molle : le Conseil de sécurité se contentait de condamner l’emploi de telles armes dans le conflit, sans mettre en cause l’Irak.

Cette fois, en mars 88, les massacres chimiques ont lieu à une échelle de masse. Déversés semble-t-il par des Mirage-F1 (peut-être de ceux, une douzaine, dont M. Chirac avait décidé la livraison à l’Irak pour 1988, à moins qu’il ne s’agisse d’autres Mirage précédemment livrés et ayant survécu aux missiles iraniens de provenance américaine...), l’hypérite et le cyanide plongent des milliers de civils kurdes dans un sommeil définitif. Cinq mille, aux dires des Iraniens.Entre trois et cinq mille, aux dires de la presse. En tout cas, des images du massacre, tournées dans les rues de Halabja par des cameramen américains, nous montrent des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards, figés pêle-mêle, comme à Pompéi, dans l’accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Sur les trottoirs, dans les camions qui les transportaient... Avec parfois un filet de sang à la commissure des lèvres. Définitivement dissuadés de s’allier aux Iraniens.

Accessoirement, "ceux de Halabja" étaient citoyens irakiens. A voir la façon dont leur propre Etat les a liquidés, qui pourrait encore donner tort aux Kurdes de vouloir leur autonomie - contre l’Irak, contre l’Iran contre la Turquie ? Mais cela suffisait aux yeux de l’armée irakienne pour les ravaler au rang de bétail. Un ordre impératif du commandement de la région nord de l’Irak stipulait :

"Les villages où se trouvent les saboteurs, les traîtres à la patrie et ceux qui soutiennent l’Iran, doivent être considérés comme des menaces pour la sécurité nationale" et par conséquent "comme des villages à éliminer ; les animaux et les habitants de cette région doivent être détruits". (3)

Le gazage de Halabja et des villages voisins ? Simple exécution.

Répartis sur une vaste zone frontalière, ayant leur propre langue et de solides traditions populaires, les Kurdes sont, en quelque sorte, à la fois les basques, les Juifs et les Palestiniens de l’Iran, de l’Irak et de la Turquie (plusieurs centaines de milliers vivent également en Syrie et en URSS). Avec quelque trois millions d’habitants, le Kurdistan irakien représente environ le sixième de la population de l’Irak et une proportion équivalente de l’ensemble des Kurdes.

D’après Jean-Paul Besset (4), depuis le début de la guerre Irak-Iran, "trois mille villages kurdes ont été détruits ou incendiés, plusieurs milliers de personnes contraintes à une immigration forcée. Le massacre prend un tour si systématique qu’il ressemble fort à un génocide."

De leur côté, Christiane More et Diego Solanas écrivent (5) :

"Pour Bagdad, l’objectif semble être de créer la terreur pour vider villages et bourgades des zones "sensibles" de leurs habitants. Ces derniers s’en vont ainsi grossir le flot des réfugiés dans les villes contrôlées par l’armée. Les gaz, l’ypérite notamment, imprègnent le sol et empêchent toute tentative de réinstallation pendant des années. Technique connue de la "terre brûlée"." (6)

"A Halabja pourtant,l’Iran n’a sans doute pas un aussi beau rôle qu’il y paraît : selon des sources kurdes non gouvernementales , les pasdarans iraniens auraient empêché l’évacuation de la population de la ville en dépit des avertissements donnés par l’armée irakienne avant les bombardements.

"Une nouvelle fois les Kurdes se trouvent les victimes des règlements de comptes entre des Etats qui se partagent leur terre et décident de leur sort. Leurs organisations politiques (...) souvent rivales pratiquent un jeu subtil d’alliances croisées avec l’Irak et l’Iran. Actuellement, les exactions du régime de Bagdad ont nettement fait pencher la balance en faveur de Téhéran, qui interdit cependant toute expression autonome à ses propres Kurdes."

Halabja, c’est tout à la fois Guernica, Dresde, Katyn, Oradour, Auschwitz et Hiroshima. Pas par la quantité des victimes, par la "qualité" de l’action.

Guernica, ou Dresde : un massacre systématique, depuis le ciel, de populations civiles classées ennemies. Pour réduire à quia leur volonté de résistance.

Katyn : une opération de liquidation méthodique, portant là sur des prisonniers militaires, ici sur des civils surpris et sans défense. (7) Afin de détruire en eux, avec eux, tout germe de résistance.

Oradour-sur-Glane : la vengeance, sur une population désarmée, d’un occupant contraint au repli par une contre-offensive alliant une résistance autochtone aux troupes d’un Etat ennemi. Halabja : dix Oradour d’un coup.

Auschwitz, jusque dans la technique employée : le gazage. Sauf qu’à Halabja, la "solution finale" se fait à ciel ouvert. Pas besoin de salles de douche maquillées ni de fours crématoires. On laisse à l’ennemi le soin d’enterrer les cadavres. A défaut d’être juifs ou tziganes, les insectes sont kurdes. Mais ils ont en commun de n’être plus des hommes. Ce sont des parasites à détruire, des bêtes malfaisantes.

Principale différence entre Halabja et Auschwitz, ou Halabja et Katyn : dans les deux cas précédents, la liquidation se faisait honteusement, dans le secret, au besoin en faisant porter à l’ennemi, comme à Katyn, la responsabilité du massacre. Pour Halabja, le pouvoir irakien ne prend même pas la peine de démentir la réalité de son acte. Soit que la diffusion rapide de documents filmés rende vaine tout démenti. Soit que cette publicité, voulue ou non, et le mépris affiché pour les pauvres restes de morale dont l’humanité affuble encore la conduite de la guerre, servent en définitive une stratégie de terreur. Une chose est sûre : l’avant-dernière barrière morale contre les horreurs de la guerre a sauté. Il ne reste plus qu’un interdit : celui de l’arme biologique (l’arme alimentaire, largement utilisée,n’est pas assez technique pour être reconnue telle). On n’arrête pas le progrès.

Hiroshima, enfin : formidable démonstration de force, pour semer la terreur dans les rangs ennemis, en finir avec une guerre interminable, mais aussi pour frapper les imaginations, et établir durablement une domination -mondiale dans un cas, régionale dans l’autre- en prouvant que l’on dispose d’une arme redoutable, que l’on est capable de s’en servir et de s’en resservir à bien plus vaste échelle. Et capable s’il le faut d’utiliser d’autres armes encore plus terrifiantes.

Halabja : acte monstrueux digne d’un Hitler (ou d’un Staline, pour ce qui est du génocide, sinon de la technique employée). Du jamais vu, depuis la deuxième (on n’ose plus dire la seconde...) guerre mondiale. Les Etats-Unis au Vietnam, l’URSS en Afghanistan l’ont peut-être employée dans les combats. Mais le pouvoir irakien, lui, en profite pour réaffirmer "son droit, ainsi que sa détermination, à avoir recours à tous les moyens à sa disposition pour contrer l’invasion irakienne". (8) Il se réserve donc d’employer n’importe quelle arme -aujourd’hui chimique, un jour peut-être, nucléaire ou bactériologique- si sa sécurité l’exige. On dirait chez nous : "si nos intérêts vitaux sont menacés". La Convention de 1925 interdisant l’emploi des gaz de combat (mais ni leur fabrication, ni leur stockage), il s’en moque autant que Mussolini s’en moquait en Ethiopie...

D’ailleurs, à Halabja, il n’y a pas eu de combat. Juste une étape d’un génocide.


(1) NDE. Ici, une longue note de l’auteur cite et commente un article d’Ignacio Ramonet dans Le Monde diplomatique, portant sur le contrôle des images de guerre par les pouvoirs en place, y compris lorsqu’ils se disent "démocratiques" et prétendent respecter la liberté d’expression et la liberté de la presse.

(2) NDE. Ici, l’auteur analyse en note la façon dont l’annonce du massacre de Halabja a été retardée dans la presse française et souligne que "la rétention d’information ou à défaut sa dilution dans le temps fait partie des stratégies de "désamorçage" des nouvelles les plus graves, quand celles-ci mettent en cause la politique de certains Etats, démocratiques ou pas. (...) Ne serait-il pas du devoir de journalistes indépendants et objectifs de porter à la connaissance du public les entraves à l’information, quitte à rectifier ouvertement leurs propres erreurs ?"

3 Cité par l’hebdomadaire Politis du 31/3/88.

4 Politis N° 11, 31/3/88.

5 Libération des 2-3 avril 88.

6 Le professeur Aubin Heyndrickx, toxicologue belge appelé en consultation aux Nations-Unies, déclare à la Libre Belgique que la situation créée par les bombardements irakiens est "catastrophique" pour les survivants. "Dans nos cliniques universitaires, il faut pratiquement une infirmière par malade intoxiqué. qui va s’occuper là-bas des blessés ?" En fait, à quoi bon s’en occuper ? Les effets du "gaz moutarde" sont pratiquement irrémédiables. Le spécialiste ajoute que l’ypérite a un effet résiduel très élevé, et qu’elle "restera dans le sol pendant vingt à trente ans". Cf. Le Monde, 27-28/3/88.

7 A supposer que l’Irak ait averti la population d’avoir à évacuer la zone en raison de bombardements dont, apparemment, la nature n’était pas précisée, et que les pasdarans aient voulu l’y maintenir pour dénoncer ensuite le massacre, cela ne change rien au fait que le pouvoir irakien ait décidé d’employer des gaz et considéré las villages comme "à éliminer", les animaux et les habitants comme "à détruire".

(8) Communiqué officiel des instances dirigeantes réunies sous la présidence de M. Saddam Hussein, le 26 mars. Cf. Le Monde, 29/3/88.


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