En quelques secondes, les bombes atomiques peuvent anéantir des millions d’être humains, sans considération de nationalité. Pour sa part, la France déclare posséder 348 têtes nucléaires : environ 1,5 % de toutes celles qui menacent la planète. Ses TN75 font, chacune, 7 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima (qui fit 250 000 victimes), et ses ASMP, 22 fois Hiroshima. En cas de crise internationale, la décision de les employer devra être prise en quelques minutes par une seule personne : le chef de l’Etat. C’est vrai pour les neuf Etats nucléaires, même ceux qui se disent « démocratiques ».
On devine qu’une fois doté de tels pouvoirs de destruction, un homme ambitieux, agressif, violent, un aventurier habile et sans scrupules, représenterait un grave danger non seulement pour les peuples étrangers, mais même pour ses compatriotes. Pour désigner leur futur chef d’Etat, les citoyens français ne peuvent donc se déterminer seulement en fonction de promesses électorales, ils doivent aussi considérer la politique de défense et la personnalité de chaque candidat. L’élu pourrait entraîner le monde dans une catastrophe pire que celle due à Hitler, qui n’eut jamais d’armes nucléaires à sa disposition mais qui, faut-il le rappeler, est parvenu au pouvoir à la suite d’élections.
Les politiques de défense de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal se ressemblent. Tous deux veulent maintenir l’effort budgétaire actuel en faveur des armées (2 % du PIB), tous deux veulent poursuivre la construction de nouvelles armes nucléaires, tous deux semblent croire à la stratégie de dissuasion nucléaire, malgré toutes ses incohérences et bien qu’elle contrevienne à l’article VI du Traité de Non Prolifération et encourage de ce fait la prolifération des armes nucléaires (qu’ils affirment combattre).
Une différence de taille les oppose néanmoins : comme le parti socialiste, Mme Royal prône le retour à la doctrine française traditionnelle dite « de dissuasion », tandis que M. Sarkozy a adopté la doctrine formulée par Jacques Chirac à l’Ile Longue le 19 janvier 2006. C’est ce que révèlent ses trois lettres à ACDN, en particulier celle du 18 avril 2007 qui constitue un scoop. La nouvelle doctrine de MM. Chirac et Sarkozy multiplie les motifs d’emploi des armes nucléaires, puisque les « intérêts vitaux » qu’elles sont censées défendre ne se limitent plus à la défense du territoire national. Laissés à la libre appréciation du chef de l’Etat, ces « intérêts vitaux » incluent la prévention ou la vengeance d’attentats, l’interdiction faite à un Etat de se procurer des armes de destruction massive, la protection d’alliés, l’approvisionnement de la France en matières « stratégiques »... Pratiquement tout.
Une telle extension du champ d’application de la menace nucléaire la rend encore plus absurde, tout en rendant sa réalisation de plus en plus probable. Elle revient en effet à banaliser l’arme nucléaire, à en faire à la fois un outil de chantage politique et une arme de bataille, à priver les Etats non nucléaires de la traditionnelle « garantie négative » de ne jamais être attaqués avec des armes nucléaires tant qu’eux-mêmes n’en auraient pas. Autant de changements de discours stratégique calqués sur ceux de l’administration Bush, et qui contribuent à la prolifération nucléaire comme à l’insécurité mondiale.
Concernant la personnalité des deux candidats à l’Elysée et au Poste de Commandement nucléaire qu’il abrite (le « PC Jupiter »), nos compatriotes auront à évaluer laquelle des deux présente le moindre risque. Il est vrai qu’une mère de famille ne serait guère crédible le jour où elle menacerait d’anéantir des millions d’êtres humains (elle ferait mieux d’ailleurs de renoncer, comme 184 autres chefs d’Etat, à cette « posture dissuasive » et au gâchis financier qui va avec). Mais il est vrai aussi qu’un homme connu pour ses charges de cavalerie, ses provocations, ses colères, ses menaces, sa haute image de soi, et qui dès aujourd’hui se dit prêt à riposter par « une sanction immédiate » -nucléaire - à toute attaque contre les « intérêts vitaux » de « la France », ne serait pas des mieux placés pour garder son sang-froid en cas de crise grave. Il est en tout cas fort éloigné du bon sens du président Giscard d’Estaing, qui révèle dans ses mémoires (Le pouvoir et la vie, tome II, page 203-210) qu’il s’était résolu à ne jamais employer en premier l’arme nucléaire - en dépit de la « doctrine française ».
Vive la France ? Oui. Mais d’abord, vivent les Français et vivent les humains. NON à la terreur d’Etat, violence organisée. OUI A LA PAIX ET A LA VIE ! La France doit commencer à négocier le désarmement nucléaire général et contrôlé qu’exige le TNP.
Pour notre part, nous avions conclu avant le premier tour de l’élection que « Nicolas Sarkozy ne doit pas accéder à l’arme nucléaire » et que nous appellerions nos concitoyens à « ne voter en aucun cas pour lui ». Nous maintenons cette conclusion.