L’affaire est grave, évidemment. Le rapprochement avec l’étoile jaune et le nazisme est immédiat. De quoi mettre l’Iran au ban des nations, et justifier une "action préventive", d’Israël par exemple. Mais quelque part, quelqu’un ment. Qui ? Seule une connaissance exacte du texte adopté -et des débats qui l’ont précédé- permettrait de trancher. En attendant, nous livrons au lecteur les deux versions contradictoires. (Voir ci-après.)
Observons cependant que le code vestimentaire qui sera finalement retenu à l’automne -s’il doit l’être- même s’il ne comporte pas de critères discrimants pour chaque religion, imposera aux musulmanes et musulmans une normalisation vestimentaire hautement contestable mais aboutira aussi à les distinguer visuellement des autres Iraniens (croyants de diverses confessions, ou incroyants) ce qui pourrait devenir un instrument de discrimination, voire d’affrontements ou de pogroms.
Avec de telles lois, l’Iran, qui se veut moderne (même si, à notre avis, chercher dans le nucléaire un signe de modernité constitue une erreur), s’enfonce dans l’archaïsme, pour ne pas dire la barbarie lorsqu’il exécute par exemple -et ce n’est qu’un exemple- des homosexuels pour leur homosexualité.
Lorsque, le 20 mars dernier, nous avons invité l’ambassadeur d’Iran en France à venir exposer le point de vue iranien sur la crise nucléaire aux 2e Rencontres internationales de Saintes pour le désarmement nucléaire, biologique et chimique (2e RID-NBC), nous lui avons écrit :
"Ce souci de faire connaître, parmi d’autres, le point de vue iranien sur la crise et de contribuer à son issue pacifique ne saurait s’interpréter comme une approbation de l’ensemble de la politique du gouvernement iranien, ni des principes et des pratiques d’un Etat, quel qu’il soit, qui impose à tous ses citoyens des règles de conduite tirées d’une religion particulière.
"Nous nous élevons spécialement et avec la plus grande vigueur contre les très graves atteintes aux droits élémentaires d’hommes, de femmes et d’enfants, contre les atteintes à la liberté de conscience et d’expression dont sont victimes des individus et des minorités en Iran.
"De même, nous avons du mal à croire aux intentions pacifiques de l’Iran lorsque nous entendons son président réclamer qu’Israël soit rayé de la carte du monde. Pareilles déclarations nous conduisent à douter de l’assurance donnée par votre pays qu’il n’utilisera pas à des fins militaires le savoir-faire et les moyens techniques employés dans un premier temps à des fins dites de « recherche civile ». La crainte exprimée par de nombreux gouvernements comme par l’AIEA de voir l’Iran suivre un jour le détestable exemple de la Corée du Nord ne nous paraît pas dépourvue de fondements.
"Nous récusons donc par avance toute utilisation de la présente lettre qui n’en retiendrait que les passages favorables à la thèse de l’Iran et passerait sous silence les graves préoccupations que nous venons de formuler."
La venue de M. Moujani, chef d’ambassade par intérim, aux 2e RID de Saintes, et l’instauration d’un débat aussi libre que courtois ne change rien à cette position. Un Etat théocratique, quel qu’il soit (chrétien, musulman, juif ou autre), ne peut être que source d’intolérance, de discrimination, de répression, de violence. Seule une laïcité ouverte et tolérante (elle-même non sectaire) permet de concilier le respect dû aux traditions nationales et religieuses avec le respect des droits humains.
Cette remarque vaut également pour Israël, autre Etat quasi théocratique, dont nous regrettons au passage que l’ambassadeur en France n’ait pas jugé bon de répondre à l’invitation que nous lui avions faite d’intervenir dans un autre débat. Les autorités supérieures de l’Etat d’Israël à qui nous avons finalement transmis notre invitation n’ont pas davantange répondu.
Pour convaincre de son droit à l’existence et à l’autodéfense les esprits soucieux de ne pas sombrer dans l’aveuglement des passions, Israël, qui est loin lui aussi de respecter les droits humains quand il s’agit des palestiniens, préférerait-il la désinformation à l’information contradictoire, au débat, au dialogue ? C’est une question que l’on peut au moins se poser.
Concernant le respect des droits de la personne, nous avons demandé deux gestes concrets à Israël et à l’Iran : aux autorités israéliennes, depuis longtemps et de nouveau récemment, la levée des restrictions de liberté dont Mordechai Vanunu fait l’objet ; aux autorités iraniennes, tout récemment, la libération du philosophe iranien Ramin Jahanbegloo et l’abandon des poursuites contre lui pour "espionnage" et "atteinte à la sûreté de l’Etat". Ce sont ces mêmes accusations qui ont valu à Vanunu de purger 18 ans de prison. Moins encore que dans le cas de Vanunu, on ne peut les prendre au sérieux. L’un dénonçait l’armement nucléaire clandestin d’Israël, dont Israël accuse aujourd’hui l’Iran en le menaçant pour cette raison de lui faire la guerre, l’autre a dénoncé la négation de la Shoah par le président Ahmadinejad et la dérive autoritaire du régime. Tous deux veulent la démocratie, la vérité, la raison, la paix. Eh bien, faux espions ou pas, qu’Israël et l’Iran pratiquent donc "l’échange d’espions" qui se faisait du temps de la Guerre froide : la liberté de Vanunu contre celle de Jahanbegloo.
Le premier de ces Etats qui s’y décidera renforcera sûrement l’image démocratique de son pays.
Et puis, Messieurs, sur cette lancée peut-être pourriez-vous vous asseoir à la même table (sans doute d’abord loin des micros et caméras) pour discuter d’une solution globale et pacifique aux problèmes de votre région ? Vous savez bien qu’une bonne partie de l’opinion mondiale ne souhaite que cela, et sans doute aussi les populations vivant dans vos Etats. La guerre comme horizon ou destin quotidien n’est pas une solution.
ACDN, le 20 mai 2006
La nouvelle.
Source : Agence italienne "adnkronos", Toronto, le 20 mai.
(Traduction ACDN)
Le nouveau code vestimentaire iranien prévoit une bande jaune pour distinguer les juifs, rouge pour les chrétiens, et bleue pour les zoroastriens. C’est ce qu’écrit le quotidien canadien National Post, dans un long article consacré à la nouvelle loi sur les vêtements qui devront être portés en public, loi qui vient d’être adoptée par le parlement de Téhéran. Le code de couleurs, écrit le journaliste Amir Taheri, permettra aux musulmans de reconnaître facilement les adeptes d’une autre religion, afin d’éviter de leur serrer la main par erreur et de devenir ainsi « najis » (impurs). L’insigne de couleur, appelé « zonnar », sera constitué d’un bandeau d’étoffe cousu sur le devant des habits.
Cette mesure, qui ne peut que rappeler en Occident « l’étoile jaune » imposée aux juifs par les nazis, avait été présentée en 2004 sous la présidence du modéré Mohammed Khatami, mais à l’époque le parlement l’avait bloquée. La loi est cependant passée lundi sous la pression du nouveau président Mahmoud Ahmadinejad : la tâche a été confiée à une commission spéciale d’établir d’ici l’automne quels habits devront porter les hommes et les femmes. Ces habits devront toutefois recevoir l’approbation du guide suprême Ali Khamenei avant d’être imposés par la loi.
Taheri, journaliste et écrivain iranien en exil, explique que la nouvelle loi est destinée à éliminer « l’influence des infidèles », c’est-à-dire de l’Occident, sur l’habillement des iraniens. Entre autres prescriptions, il y a l’interdiction totale des cravates, considérées comme « un symbole de la croix ». Mais on ne sait pas clairement si les chrétiens seront autorisés à la porter. Le code vestimentaire se substituera à la loi de 1982 qui impose aux femmes le port du tchador et de vêtements longs. L’objectif d’Ahmadinejad est d’imposer aux musulmans un mode d’habillement uniforme, sans distinction de classes, pour préparer les Iraniens au retour de « l’Imam caché » qui selon la tradition doit revenir sur terre pour y apporter la justice. L’annonce du code de couleurs ne manquera pas de soulever une nouvelle polémique, après qu’Ahmadinejad a appelé à rayer Israël de la carte et fait de l’Holocauste « une légende », suscitant les protestations du monde entier. Selon le National Post, le Centre Simon Wiesenthal a déjà écrit au Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan en lui demandant d’exhorter la communauté internationale à faire pression sur l’Iran pour qu’il abandonne son projet de bandes de couleur pour les non musulmans.
Le démenti officiel.
Source : "adnkronos", Téhéran, le 20 mai -
(Traduction ACDN)
L’Iran a démenti catégoriquement la nouvelle rapportée par un journal candien,selon laquelle les minorités religieuses devraient proter un bandeau de couleur pour se distinguer des musulmans. C’est ce qu’indique l’agence de presse iranienne Khobar, parlant d’une nouvelle "tout simplement ridicule" et accusant le quotidien candien qui l’a diffusée, le National Post, d’être une publication sioniste.
Auparavant, le député iranien de religion hébraïque Maurice Motamed a démenti qu’une telle décision ait été prise par le parlement iranien lors de la discussion du nouveau code vestimentaire. Entre temps, le député Imam al Faruj, qui avait défendu le projet, a souligné que celui-ci n’était pas dirigé contre les minorités religieuses, mais destiné à inciter les femmes à la chasteté et à s’habiller de manière traditionnelle, selon une émission de la radio israélienne.
L’article paru hier dans le quotidien canadien, sous la signature de l’exilé iranien Amir Taheri, rapportait que la nouvelle loi sur le code vestimentaire prévoyait un bandeau jaune pour les juifs, rouge pour les chrétiens et bleue pour les zoroastriens, de manière à pouvoir les distinguer des musulmans. L’information, qui selon le journal avait reçu confirmation d’iraniens exilés au Canada, avait provoqué un écho immédiat dans le monde, surtout à cause du bandeau jaune pour les juifs, qui rappelait l’étoile jaune imposée par les nazis. Toutefois, le même National Post a rapporté aujourd’hui le démenti "catégorique" de l’ambassade d’Iran à Ottawa et les doutes exprimés par divers experts des questions iraniennes.
Le témoignage du député Motamed, selon le Corriere della Serra
Téhéran. Un député iranien, juif, dément l’information selon laquelle le parlement de Téhéran a promulgué une loi qui oblige les non musulmans à porter des signes distinctifs en public. "C’est une nouvelle inventée de but en blanc et complètement fausse" a déclaré Maurice Motammed. "J’étais présent au moment du vote du projet de loi pour la promotion de la mode fémminine iranienne et islamique - a ajouté le député- et le texte ne fait pas mention des minorités religieuses."
Et selon le journal en ligne de Yedioth Ahronoth.
Commentaire d’ACDN : M. Motamed est l’élu d’un collège électoral particulier comprenant environ 25000 juifs. Il confirme donc l’absence de signes distinctifs relatifs aux autres religions dans le texte de loi sur le code vestimentaire islamo-iranien. A noter toutefois qu’il déclare avoir assisté aux débats du Majlis ayant abouti à l’adoption du texte, mais pas aux discussions préparatoires en commission. L’idée d’insignes religieux distinctifs pourrait y avoir été évoquée et repoussée, ou son introduction ultérieure confiée au comité spécial chargé de faire des propositions vestimentaires concrètes d’ici à l’automne, comité comprenant des ministres. Si c’était le cas, l’information fausse imputable à Amir Taheri aurait au moins le mérite, par les réactions qu’elle a provoquées, d’écarter définitivement cette éventualité.
L’article du New York Post