Il y a bien des raisons de s’opposer à la construction de l’EPR, comme l’exprime aujourd’hui la grande manifestation de Cherbourg. Mais il en est une que l’actualité internationale met en lumière et qui mérite d’être soulignée. C’est sa contribution à la prolifération des armes nucléaires et aux risques de guerre nucléaire.
L’EPR, dont la France n’a nul besoin, est avant tout conçu pour l’exportation. L’EPR a déjà été vendu sur plans à la Finlande. Ce premier prototype et celui prévu à Flamanville -si jamais sa construction devait être maintenue- seront des vitrines destinées à décrocher des marchés étrangers dans le monde entier et particulièrement dans les pays émergents. AREVA et EDF ont déjà démarché la Chine et l’Inde avec l’appui de la diplomatie française. Le récent voyage du président Chirac en Inde avait deux objectifs commerciaux majeurs : y vendre des armes, comme les sous-marins ou les avions de guerre, et des installations nucléaires, comme le futur EPR.
Le 30 mars dernier, l’Iran a proposé de mettre en place un consortium international dont la France, l’Allemagne et la Russie feraient partie, pour l’aider à réaliser ses ambitions nucléaires civiles. Nul doute que si ce consortium devait voir le jour, la France et l’Allemagne, associées à l’EPR à travers AREVA et SIEMENS, l’utiliseraient comme argument de vente.
Mais que confirme la crise actuelle autour du nucléaire iranien ? Que les technologies nucléaires sont duales, qu’il est impossible d’établir une cloison étanche entre leur usage civil pour la production d’énergie et leur usage militaire pour la production d’armes. Les mêmes connaissances et les mêmes techniciens produisent les deux, on le constate aussi en France. Le même processus d’enrichissement du minerai d’uranium en U235 produit le combustible des centrales et l’explosif des bombes. Et le plutonium extrait des centrales peut, lui aussi, servir d’explosif. L’EPR n’échappera pas à cette règle. Vouloir l’exporter, c’est donc s’autoriser d’une main ce que l’on s’interdit de l’autre. C’est en quelque sorte tenter le diable : tout Etat qui en disposera pourra, s’il le décide un jour, en faire le cheval de Troie de sa Bombe. La communauté internationale s’en avise bien tard dans le cas de l’Iran, après avoir laissé Israël, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord se procurer des armes atomiques sous couvert de programmes civils.
C’est pourquoi ACDN a suggéré au gouvernement iranien, par lettre et au cours d’une audience à son ambassade parisienne, le 30 mars, de renoncer à son programme nucléaire civil et de se porter à la tête des pays promouvant l’abandon du nucléaire civil, les économies d’énergie, le développement des énergies renouvelables, et le désarmement nucléaire. Même si cette suggestion n’a pas été retenue, elle demeure d’actualité, à un moment où le « dossier iranien » menace de déboucher sur des « sanctions internationales », voire sur une action militaire envisagée par les Etats-Unis, action qui pourrait même comprendre l’emploi d’armes nucléaires. Un comble quand on prétend vouloir éviter ainsi... l’emploi d’armes nucléaires.
La question sera de nouveau soulevée au cours des 2e Rencontres Internationales pour le Désarmement Nucléaire, Biologique et Chimique qui se tiendront à Saintes du 6 au 8 mai prochain. Le 6 mai à 17 h, Auditorium Saintonge, un débat public aura lieu sur le thème : « Nucléaire civil, nucléaire militaire : le dossier iranien ». M. Moujani, chef de la mission diplomatique de la République Islamique d’Iran en France, y participera.
Nous appelons les citoyens, les élus de France et d’Europe à s’associer à ce dialogue et à montrer l’exemple du renoncement au nucléaire civil en commençant par exiger la suspension du programme EPR.
Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire, le 15 avril 2006